A la suite des événements de Nantes, Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé sont fragilisés. Cela fait deux ans qu'ils vivent sur un double discours. Peut-on dire qu'ils incarnent une schizophrénie assumée ou même un cynisme décomplexé?
lundi 24 février 2014
Le tandem Duflot-Placé, incarnation du cynisme décomplexé en politique?
Bien qu'opposés au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, les Verts enmenés par le tandem Duflot-Placé ne comptent pas quitter le gouvernement. Pour Thomas Guénolé, ce double discours relève du cynisme pur.
A la suite des événements de Nantes, Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé sont fragilisés. Cela fait deux ans qu'ils vivent sur un double discours. Peut-on dire qu'ils incarnent une schizophrénie assumée ou même un cynisme décomplexé?
A la suite des événements de Nantes, Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé sont fragilisés. Cela fait deux ans qu'ils vivent sur un double discours. Peut-on dire qu'ils incarnent une schizophrénie assumée ou même un cynisme décomplexé?
Oui. L'on arrive à cette situation pathétique en quelques étapes. D'abord, le tandem Duflot-Placé prend la tête d'une maison mourante, les Verts de l'après-2007: un leadership dont plus personne ne veut hormis eux, à force d'écroulement électoral. Puis la locomotive Cohn-Bendit/Hulot produit aux européennes de 2009 et aux régionales qui s'ensuivent une percée électorale spectaculaire, jusqu'à tourner autour de 15 % des suffrages exprimés
. Ensuite, sur cette base, une grande distribution de postes et de sièges s'opère, en liaison avec le partenaire dominant socialiste. Ainsi, le tandem Duflot-Placé et ses affidés, ce sont les al-Saoud de la vie politique française: du pétrole est trouvé sous leurs pieds, ils n'y sont pour rien, mais les voilà riches. Par la suite, les mêmes tuent la poule aux œufs d'or, en bloquant par jeux d'appareil la prise de contrôle d'EELVpar Daniel Cohn-Bendit : ils ont préféré saboter la locomotive mais rester aux commandes, plutôt que voir le parti prendre en puissance mais en perdre le contrôle. Puis, là encore par peur de perdre le contrôle de la boutique, le tandem Duflot-Placé bloque par de nouveaux jeux d'appareil la meilleure candidature présidentielle possible pour EELV, celle de Nicolas Hulot, et pousse celle d'Eva Joly : on retrouvera alors le score catastrophique de Dominique Voynet à la présidentielle de 2007. Enfin, depuis lors, le tandem se comporte en co-gérants de la distribution de places éligibles par le partenaire dominant socialiste.
Vous avez écrit un livre sur le mensonge en politique à paraître le 6 mars: le Petit guide du mensonge en politique. À quelle catégorie de menteurs appartiennent Duflot et Placé?
Le plus souvent, ils utilisent la méthode la plus basique du mensonge en politique, que j'appellerais la «méthode Cahuzac». L'âne est blanc, tout le monde voit que l'âne est blanc, et vous, en regardant le téléspectateur droit dans les yeux par caméra interposée, vous jurez aux Français que l'âne est noir. C'est de cette façon que communique le tandem Duflot-Placé à chaque fois qu'il est pris en flagrant délit en train d'avaler une couleuvre: il nie «droit dans les yeux», même l'évidence.
Fréquemment, la dénégation éhontée vient d'ailleurs après avoir fait une provocation pour rester présents dans le débat public, généralement en ayant attaqué un membre du gouvernement:Cécile Duflot qui attaque Manuel Valls, Jean-Vincent Placé qui attaque Arnaud Montebourg, par exemple. Par ailleurs, Jean-Vincent Placé s'est fait une spécialité de nier avoir menacé qu'EELV quitte la coalition gouvernementale, généralement après s'être assuré un surcroît de places éligibles.
Comment expliquez-vous qu'ils ne parlent jamais d'écologie? Peut-on encore les qualifier d'écologistes?
Je ne dirais pas qu'ils ne parlent jamais d'écologie. Simplement, ils s'en tiennent à quelques sujets très marquants, emblématiques:gaz de schiste, nucléaire, etc. C'est une méthode très courante en politique de nos jours. Pendant la présidentielle de 2012, François Hollande a fait la même chose envers l'aile gauche de l'électorat du PS avec la tranche à 75% d'impôt sur le revenu, et Nicolas Sarkozy a également fait de même
envers l'aile sécuritaire de l'électorat de l'UMP avec la proposition de diviser l'immigration par deux. Cette méthode consiste à agiter un épouvantail, ou à proposer une mesure-choc, uniquement pour garder fidèle tel ou tel électorat.
Pourquoi François Hollande a-t-il encore besoin d'eux?
On peut se poser la question. Quand EELV était une locomotive avec Daniel Cohn-Bendit pour chef de file, son poids électoral rendait rationnel et cohérent pour le PS de donner des places aux écologistes. En revanche, depuis la gifle reçue par la candidature présidentielle d'Eva Joly, et surtout depuis les départs successifs de Nicolas Hulot, Daniel Cohn-Bendit et Noël Mamère, l'EELV de 2009 est redevenu Les Verts post-2007, c'est-à-dire un astre mort politique au même titre que le Parti Radical de Gauche.
Dans la mesure où Les Verts ne pèsent plus électoralement, il n'y a qu'une explication au comportement de François Hollande: l'obsession de l'unité maximale de la gauche. Cette obsession, bien qu'il ne soit plus rationnel de donner autant de places et de poids aux Verts, peut se comprendre: il ne faut jamais oublier que cet homme est devenu le leader du PS le 21 avril 2002.
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