TOUT EST DIT

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samedi 16 novembre 2013

Jours absurdes

Jours absurdes

En novembre, il y a cent ans, près de Constantine en Algérie alors française, naissait Albert Camus. Peu d'hommages officiels, pas de rétrospectives à Beaubourg ou à la Grande bibliothèque… Tant mieux, il n'aimait guère cela. Camus, le réconciliateur de mémoires dont la voix d'airain nous manque si fort quand quelques bandes de nervis fascistes conspuent notre histoire, quand TF1 manipule les sifflets, quand le commentaire prend toujours le pas sur l'information. Et aussi quand les intellectuels, si prompts d'ordinaire à vampiriser les médias, se taisent face à la progression des idées de l'extrême droite européenne qui gangrènent nos valeurs. C'est cette importation-là qu'il faut arrêter plutôt que de valser avec les Autrichiens du sulfureux et pangermaniste FPÖ.
Camus le Nobel, la jonction de l'intelligence et de la sensibilité. Camus qui sans répit affirmait le primat du respect de l'homme quand, indignes, nous le bafouons au cours d'une semaine qui pue tellement que l'on voudrait ne plus respirer. N'avons-nous d'autre recours que d'exhumer la conscience révoltée de l'écrivain pour redonner du sens à Voltaire, à Rousseau, à Montesquieu ?
Ainsi donc nous serions prêts à piétiner l'Homme, le premier, le révolté, le pestiféré, l'étranger, le condamné à sans cesse remonter la pierre mal équarrie de Sisyphe ? L'homme, ce fil d'Ariane, tissé de larmes et de sang, de la vie trop brève de Camus, de toute son 'uvre raccourcie par le destin. De la grande figure morale d'une génération antistalinienne qui refusait de se soumettre à un système. Le gamin qui jouait au foot dans les rues d'Alger, le poète de Tipasa qui a tellement mieux fait grandir notre France aujourd'hui au bord de la crise de nerfs que les tentations frontistes qui la traversent et la minent de fausses rumeurs, de mensonges et d'intolérance.
Camus, l'intellectuel libre, l'éternel insoumis qui écrivait encore et toujours contre l'injustice. Camus que l'on a tenté de récupérer en mettant dédaigneusement les fastes du Panthéon au service de l'identité nationale. Tout l'art de Camus, comme il le disait lui-même à propos de Kafka, c'est de nous obliger à le relire. Sans doute pour mieux nous faire percevoir l'absurdité du monde.

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