TOUT EST DIT

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dimanche 24 novembre 2013

ARTICLE COMMANDÉ A PARIS MATCH PAR LE POUVOIR : FRANÇOIS HOLLANDE, L'AUTRE HYPERPRÉSIDENT

Malmené par l'actualité française, le président a été accueilli en héros à Tel Aviv.
François Hollande a tendance à n’en faire qu’à sa tête. « Le président est libre de ses décisions, rappelle Aquilino Morelle, son conseiller politique. C’est un métier où il faut apprendre l’humilité. » Dans l’affaire Leonarda, la veille de son intervention à la télévision, lors d’une réunion à l’Elysée, tous le mettent en garde contre les dangers d’une prise de parole. « Mystérieux », il entend mais n’écoute pas. « Hollande décide de tout, tout seul », glisse un ministre. Souvent, sans avertir ses troupes. Hyperprésident, mais dans un autre style que Nicolas Sarkozy. Boulimique de travail, il profite de chaque moment. Dimanche dernier, pendant les quatre heures trente du vol Paris-Tel-Aviv, il remanie les discours prévus, enchaîne les réunions avec son staff et avec six ministres présents à bord. Il multiplie les apartés avec les invités à qui il a promis la veille, par SMS, « on se voit demain dans l’avion ».
Lui qui a toujours aimé centraliser veut tout contrôler « jusqu’au choix des invités et au menu des réceptions ». Une ministre conforme : « Il est comme les mouches, il voit tout, il a une vision panoramique, sur le côté, derrière… » Il ingurgite des notes à n’en plus finir. Répond aux e-mails reçus sur sa boîte privée Yahoo ! qu’il n’a jamais cessé de consulter. Décroche son téléphone – dont le message d’accueil, « Oui, c’est bien moi », n’a pas changé depuis son élection – pour rappeler les journalistes. « Si je ne réponds pas, personne ne répond », se justifie-t-il. Son équipe râle : « Il répond à notre place. » Un député déplore : « François Hollande a organisé les choses pour que personne ne puisse rien faire et qu’il soit le seul communicant. » A Jérusalem, quelques heures après les coups de feu dans le hall du quotidien « Libération », alors qu’il s’apprête à répondre à une interview croisée avec Shimon Peres, c’est la journaliste Ruth Elkrief qui lui déconseille de s’exprimer à ce moment-là en présence du président israélien et lui évite une maladresse.
Au manque de confiance en ses collaborateurs et en ses ministres s’ajoute une incapacité à déléguer. « Il veut faire le travail de tout le monde », constate un proche. Ministre des Finances un jour lors de son passage au JT, préfet le lendemain dans l’affaire Leonarda… Messager de bonnes nouvelles lors de l’évasion de l’otage Francis Collomp, Hollande tient aussi à parler à la mère de Ghislaine Dupont, journaliste de RFI, le lendemain de son assassinat. Une épreuve qu’il accepte mais dont il ne parle pas. Le président est un solitaire. Guetté par l’isolement dans son palais. Il y travaille de plus en plus tard, y compris le samedi soir, qu’il avait veillé jusqu’ici à préserver. Il revient le dimanche. « Il est surmené, décrit un fidèle. Il devrait prendre de la hauteur. »
Les rares moments où il décompresse, il s’échappe de l’Elysée. Il lui était arrivé de déjouer la vigilance de ses officiers de sécurité pour une escapade avec sa compagne, Valérie, qui était passée le prendre en voiture au palais. Au moins deux fois par mois, ils dînent avec le couple Jouyet, chez eux ou dans un petit bistrot parisien. A table, difficile d’échapper aux sujets d’actualité. « On arrive quand même à parler cinéma ou théâtre et surtout foot », glisse Jean-Pierre Jouyet, copain de promo de l’Ena et directeur général de la Caisse des dépôts. Dans la salle de cinéma exiguë de l’Elysée aux murs couverts d’une moquette défraîchie, lui et sa compagne ont vu « Les garçons et Guillaume, à table ! », le film de Guillaume Gallienne, qu’ils ont beaucoup aimé, et « La marche », sur le mouvement des beurs de 1983… Ces moments volés à l’agenda ne doivent pas masquer une réalité : ses dernières vraies vacances remontent à août 2010.
Malgré ses efforts, son propre camp ne cache plus son désarroi. Nombre de ministres ont pris l’habitude de solliciter en direct son arbitrage, notamment lorsque leur budget est concerné, court-circuitant au passage Bercy et Matignon. D’autres découvrent ses décisions le jour où il les rend publiques. Au sein de la majorité, les parlementaires grognent. Personne n’est habitué à cette forme d’exercice du pouvoir. Il n’a pas endossé les habits du monarque républicain qu’avait enfilés François Mitterrand. « Il a un côté pragmatique à la scandinave, il ne tape pas du poing sur la table, expose une ministre. Ça peut manquer de panache. » La voie choisie, celle d’une présidence plus démocratique, plus transparente, désarçonne ceux qui étaient habitués à l’autoritarisme. Comme ce député qui confie : « François a toujours su maîtriser une salle, mais maîtriser les Français, c’est différent. Parfois il tourne encore sur un logiciel qui est celui du PS, c’est-à-dire de la synthèse, alors qu’il est président. »
Le chemin est délicat. Ses amis politiques le ménagent : « Je lui pose moins de questions, j’essaie de lui donner des réponses », confie Bruno Le Roux, patron du groupe socialiste à l’Assemblée. « Lorsque François Hollande écoute, la presse parle de reculade », réplique son entourage lorsqu’on évoque la taxe à 75 % ou l’écotaxe. Certains refusent les choix économiques de l’exécutif. Pourtant, François Hollande avait annoncé la couleur dès les primaires, assumant une ligne sociale-démocrate : il ferait du rétablissement des comptes publics sa priorité. « Ces députés doivent faire leur deuil de leur conception du PS », tranche un ministre.

« IL SERA À LA MODE DE TROUVER HOLLANDE BIEN », PRÉDIT UN HAUT RESPONSABLE DU PALAIS

L’Elysée fait le dos rond : « Le cycle finira par se retourner, il sera à la mode de trouver Hollande bien », prédit un haut responsable du palais. Il décrit un président « normal, ni dans la fébrilité ni dans l’excitation ». Qui, un matin, après avoir lu les journaux, lance avec un sourire à son secrétaire général Pierre-René Lemas : « Ah, tiens, t’es pas viré ! » Le chef de l’Etat n’a pas perdu son sens de l’humour. A l’étranger, il ose même plaisanter sur les questions économiques. Lundi matin, lors de la visite de l’église Sainte-Anne de Jérusalem, il répond avec gourmandise à un père blanc qui évoque une possible taxation du site, actuellement exempté de taxe foncière : « La fiscalité est décidément partout présente. »
En France, cela ne le fait plus sourire. Lorsque Pierre Moscovici invente la formule du « ras-le-bol fiscal », François Hollande l’appelle pour le houspiller. Ses colères sont glaciales. « Il est sec, ça se voit au regard, il devient très froid », dit un collaborateur. Personne ne sait ce que pense le président. Ses interlocuteurs ne sortent jamais déçus d’un entretien avec lui. Il a écouté, donné parfois l’impression d’être convaincu. « François Hollande ne sait pas dire non. Mais avec lui il y a deux oui. Le “vrai oui” et le “oui-oui”, qui veut dire non », nous confiait un vieil ami, qui ne plaisantait pas. Lorsqu’il était à la tête du PS, Stéphane Le Foll, alors son directeur de cabinet, était celui qui disait non quand Hollande disait oui. A l’Elysée, son équipe est technique plus que politique. Certains n’osent pas lui tenir tête. Samia, une de ses trois secrétaires, est une des rares à oser quelques remarques.
« Mais au quotidien, il lui manque quelqu’un comme Le Foll », constate un conseiller. Le ministre de l’Agriculture est le seul capable de dire droit dans les yeux au président : « Tu déconnes. » Vendredi dernier, ils se sont vus longuement dans le bureau présidentiel. Parmi les sujets abordés, la nécessité de mieux « expliquer » la politique menée. Car ça « n’imprime » pas. A en croire un membre du cabinet Hollande, sa logique « républicaine » explique en partie les ratés. Pour lui, « la propagande » ne se fait pas dans les palais nationaux. Et l’arrivée de l’ancien présentateur du JT Claude Sérillon n’a rien changé. Pas plus que la récente mise en place d’un point quotidien à 8 h 30 dans le bureau de Morelle autour de responsables presse et communication pour « fluidifier l’info ».
« On est incapables de vendre ce qu’on fait de bien », martèlent élus, ministres et conseillers. Hollande, qui avait fait de la jeunesse son principal thème de campagne, a réussi à réunir le 12 novembre 24 des 28 chefs d’Etat et de gouvernement européens. Et à débloquer une enveloppe de 6 milliards d’euros en faveur des régions les plus touchées par le chômage des jeunes. « Toute l’Europe à l’Elysée ! Avant, on en aurait entendu parler pendant trois mois… », s’emporte un conseiller. « Tout ce que le président dit est équilibré, sage et juste. » Cette déclaration est de Mahmoud Abbas et découle de la position de François Hollande sur le processus de paix israélopalestinien. Dans l’Hexagone, les Français ne sont plus que 20 % à penser la même chose. Cela n’empêche pas ses plus loyaux compagnons de rester confiants. « C’est lorsqu’il est dans les cordes qu’il est le meilleur, dit l’un d’eux. A la fin de son mandat, je suis sûr qu’on retiendra que c’était un grand homme. »




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