TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 30 mars 2013

L'île des autruches

L'île des autruches


La France n'est pas en grande forme. François Hollande etNicolas Sarkozy non plus. Le premier bat tous les records d'impopularité, au point que l'on se demande si sa cote ne lui permettra pas de trouver rapidement du pétrole. Le second, empêtré dans l'affaire Bettencourt, se débat tel un beau diable, comme s'il sentait que son retour en politique était compromis, alors que rien ne permet encore de le penser. Sans parler du docteur Cahuzac, parti prendre l'air après avoir été accusé, pendant des mois, de détenir un compte en Suisse.
Il n'en faut pas plus pour que la rumeur publique, alimentée par quelques médias, annonce la mort politique de ces trois personnages incessamment sous peu. Gageons que, contrairement aux augures, tous reviendront dans le jeu à plus ou moins brève échéance, y compris François Hollande, qui détient les clés de l'Elysée et peut à tout moment dissoudre l'Assemblée ou changer ses ministres, ce qu'il serait, pour pas mal d'entre eux, bien inspiré de faire au plus vite.
La politique est la meilleure illustration du mythe de l'éternel retour. Qu'après avoir ruiné l'économie italienne Silvio Berlusconi soit aujourd'hui aux portes du pouvoir dans son pays montre bien que, l'amnésie des peuples aidant, rien n'est jamais fini en politique tant que l'appétit et le charisme sont là. C'est ce qui rend absurde et navrant le débat public des derniers jours. Il ne s'agit pas ici d'absoudre ni d'excuser ces personnalités dans la tourmente, mais qu'il nous soit permis de dire qu'il y a là beaucoup de bruit pour rien.
A croire que la France est devenue une île dérivant loin du monde, peuplée d'autruches autistes et chicanières. Car enfin, alors que notre situation ne cesse de se dégrader, n'avons-nous rien de mieux à faire que de nous étriper sur l'accessoire ? N'est-il pas temps de nous consacrer à l'essentiel, c'est-à-dire à notre lente dégringolade depuis trente ans, sur fond de fatigue, de déficits et d'incivilités galopantes ?
Rares sont ceux qui, dans la classe politique, tiennent un discours de vérité : François Fillon, François Bayrou ou encore Manuel Valls font partie de cette espèce qui semble toujours menacée, notamment par ce qu'on peut appeler la malédiction de l'homme d'Etat. Les cimetières de la politique sont pleins de personnages de ce genre qui, avec leur langage de raison, n'ont pas trouvé l'oreille du peuple.
A moins d'un improbable retournement économique, la France est entrée dans une zone de turbulences, avec une recrudescence du populisme, de l'europhobie, de la haine sociale et des actes racistes ( + 23 % en un an ). Sans parler des mélenchonneries ou des buissonneries, qui ne sentent pas toujours la rose. Il y a de l'hystérie et de la révolte dans l'air. Pas mal de bêtise aussi. À force de conjuguer à tous les temps le verbe lantiponner, M. Hollande et son Premier ministre vont finir par laisser déborder le lait sur le feu.
D'autant que le président est l'objet d'un lourd ressentiment, y compris dans son propre camp. Le voilà déjà condamné pour une politique qu'il vient à peine d'amorcer. C'est la double peine. Il serre assez les vis pour être impopulaire, mais pas assez pour être sûr de redevenir, un jour, populaire.
Pour ne rien arranger, l'opposition, autrement dit l'UMP, n'est pas à la hauteur. La droitisation paresseuse poursuivie par M. Copé handicape gravement l'opposition, comme on vient de le voir dans l'Oise, où l'un de ses fidèles, M. Mancel, a failli se faire battre sur le fil par la candidate du Front national, preuve que les électeurs préféreront toujours l'original à la copie. Pour éradiquer l'extrême droite, il n'y a qu'une seule méthode, celle qui est appliquée avec succès à Nice par M. Estrosi : elle passe par le social et la sécurité, sans concession à la xénophobie.
Certes, la droite se démène : elle glapit, jappe ou aboie, mais en se contentant de commenter l'actualité, fût-elle anecdotique. L'épisode judiciaire autour de Sarkozy était, de ce point de vue, pathétique. Fallait-il pousser de tels cris d'orfraie après la mise en examen de l'ancien président, considéré jusqu'à nouvel ordre comme présumé innocent ? Était-il bien nécessaire d'insulter le juge Gentil ?
À droite comme à gauche, nos politiciens sont frappés par le syndrome de l'autruche : tout est bon pour jacter, dès lors que ça ne concerne pas les grands sujets comme la nécessaire baisse des dépenses publiques recommandée par l'OCDE et qui, seule, permettrait de diminuer les prélèvements obligatoires pour relancer la croissance. Au lieu de quoi les deux camps éludent et bottent en touche sans apporter de vision ni de perspective, alors que les mauvais chiffres nous tombent dessus comme à Gravelotte.
Pardonnez de parler encore de la dette, la grande absente de nos débats nombrilistes. Après avoir dépassé l'an dernier la barre des 90 % par rapport au PIB, elle a mis le cap sur les 100 %, seuil de tous les dangers. Entre deux diversions, la France s'est habituée. Elle s'est même endormie dessus. Jusqu'au réveil qui ne manquera pas de se produire.

0 commentaires: