mardi 26 février 2013
M. Ayrault, la girafe et le mammout
M. Ayrault, la girafe et le mamouth
La France est un pays riche, très riche, peuplé de gens travailleurs et admirables. Sinon, il n'y a pas à tortiller, avec son système social établi sur le principe du tonneau des Danaïdes, elle aurait dû s'écrouler depuis longtemps.
Sans doute y a-t-il un "mal français" qui a fait la fortune de tant d'essayistes plus ou moins avertis. Mais il y a aussi un prodige français grâce auquel notre célèbre et courbatu "modèle" tient encore debout, même si sa chute est programmée, à en juger par l'état de pourriture de ses fondations. Un vrai miracle.
Faisant mentir les déclinologues et tous ceux qui, avec l'assurance de la Pythie d'antan, annoncent sa chute imminente, la France a fait de la résistance des années durant. Accablés de taxes et de boulets administratifs en tout genre, ses industriels ont même continué à exporter, ce qui relève de l'exploit pur et simple.
La rigueur est en marche, rien ne l'arrêtera. Fini de rigoler. Le journal de Claude Imbert et de Jacques Marseille ne se plaindra pas que la majorité des Français et, apparemment, des ministres a fini par découvrir la lune : écrasés par un niveau de dépenses publiques (57 % du PIB) parmi les plus élevés d'Europe, comme notre taux d'imposition, nous sommes condamnés à faire marche arrière. Bienvenue au club.
Au "Point", nous n'avons jamais cessé de mettre en garde les pouvoirs publics, sous la droite comme sous la gauche, contre l'insanité de leur politique qui les amenait à endetter davantage le pays pour payer leurs réformes. Au point que notre pays en est venu à emprunter, comble de la sottise, pour financer les 35 heures, donc pour travailler moins.
Si l'on veut que la France renoue enfin avec la croissance, ce n'est pas une politique ultrakeynésienne de relance qu'il nous faut : on en a déjà vu les calamiteux effets. Notre économie ne redémarrera que sur des bases assainies, comme ce fut le cas en Allemagne, en Suède ou au Canada, quand nous cesserons de dépenser plus que nous produisons, ce qui passe par une réduction du train de vie de l'État.
On entend d'ici les gémissements et les cris d'orfraie de la confrérie des corporatismes associés. Mais c'est une grande cause nationale, si le gouvernement s'y ose enfin, que de s'attaquer au coulage et à la gabegie qui ruinent notre pays. De surcroît, les solutions ne passent pas toutes par "du sang et des larmes".
Depuis des années, les rapports de la Cour des comptes, entre autres, ont ouvert toutes sortes de pistes, souvent indolores. Après avoir troqué le plumeau pour le rabot, lui-même remplacé, ces jours-ci, par la hache, M. Ayrault n'a que l'embarras du choix. En voici quelques-unes.
1) Les 31 milliards d'euros de fonds collectés par les partenaires sociaux pour la formation professionnelle (1,6 % du PIB) sont gérés sans contrôle effectif et en dépit du bon sens. Inutile de vous faire un dessin : c'est le royaume de la prébende et de la combine avec une tendance, selon la Cour, à "reproduire et même à amplifier les inégalités engendrées par le fonctionnement du marché du travail". Ce serait bien le diable s'il n'y avait pas 3 ou 4 milliards à gratter.
2) Géré par le patronat et les syndicats, le 1 % logement est l'une des bêtes noires de la Cour,qui épingle régulièrement ses coûts de personnel. Usine à gaz et à fromages, ce système est cependant défendu avec la dernière énergie par Mme Duflot, ministre du Logement. C'est logique : elle en vient. Elle hurlerait au mélange des genres si un UMP avait agi comme elle : juge et partie, elle compte sans doute y retourner un jour quand sa carrière politique sera terminée, ce qu'on souhaite tous.
3) Le déficit des retraites devrait atteindre 21 milliards d'euros en 2017. Plutôt que d'attendre paresseusement l'échéance ou de miser sur la désindexation pour flouer les seniors, il est urgent de retarder dès maintenant l'âge de départ à la retraite. Si les Allemands sortent du travail à 62,6 ans et les Britanniques à 64,1, pourquoi faudrait-il que ce soit, chez nous, à 60,3 ? Sans doute cette mesure n'est-elle pas inscrite dans la Table de loi socialiste. Mais voilà encore un tabou que la gauche devrait faire sauter rapidement, mieux vaut tôt que tard.
Après avoir si longtemps peigné la girafe, il est temps que la France se décide à dégraisser le mammouth, notamment dans les dépenses sociales, mais aussi à l'Éducation nationale, où nous réussissons l'exploit de dépenser plus que les autres (6,3 % du PIB) en étant moins performants, alors que nos enseignants sont payés 34 % de moins, en moyenne, que leur collègues d'outre-Rhin. Où va l'argent ?
Étant donné l'état de nos finances publiques, c'est désormais la seule question qui vaille. Dans tous les domaines.
PS : Nous ne dirons jamais assez notre solidarité avec les marchands de journaux qui participent, comme nous, à la chaîne de la presse et que pénalisent les grèves à répétition des personnels de la société de distribution Presstalis. Depuis des semaines, ils vivent un cauchemar. Soutenons-les.
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