TOUT EST DIT

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dimanche 18 novembre 2012

Economie : la duperie sociale-libérale

Il faut maintenant se rendre à l’évidence : la politique économique conduite par François Hollande n’a rien à voir avec ce qu’il avait laissé entendre durant la campagne présidentielle. Candidat, il avait suggéré qu’il fixerait le cap à gauche – pas à gauche toute, mais à gauche tout de même. Devenu président, voilà qu’il crée la surprise en conduisant une politique sociale-libérale.
 
Que l’on se souvienne des débats de la campagne présidentielle. A l’époque, François Hollande avait certes envoyé des signes multiples de sa prudence. Sur la politique budgétaire, en écornant le programme de son propre parti et en proposant que la réduction des déficits publics sous les 3 % du PIB soit atteinte dès 2013 et non en 2014 ou 2015. Sur la politique fiscale, en prenant insensiblement ses distances avec la « révolution » qui était aussi gravée dans le marbre du projet du PS et dont le projet phare devait être la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Ou encore sur la politique salariale, en préconisant la modération.
 

Mais, envers et contre tout, François Hollande a veillé à ce que la petite musique de son projet garde une sonorité de gauche. C’était la raison d’être de sa proposition d’une taxation à 75 % des revenus au-delà de 1 million d’euros, ou encore de quelques-unes de ses sorties enflammées : « Mon ennemi, c’est la finance ! »
 
Et puis, voilà qu’à peine installé à l’Elysée il met en œuvre une politique économique qui n’a plus rien à voir avec cela – une politique dont les inspirations philosophiques ont beaucoup de points communs avec les brûlots libéraux qu’ont l’habitude de produire l’OCDE et le FMI pour promouvoir ce qu’ils appellent pudiquement des « réformes structurelles ».
 
La première illustration de ce changement de cap, c’est évidemment la priorité donnée à la question du coût du travail, dont l’allégement au profit des employeurs sera payé, au moins partiellement, par les consommateurs, par le biais d’une hausse de la TVA. Car, dans ce cas, la source d’inspiration ne fait guère de doute : il suffit de lire les rapports en faveur d’un « choc de compétitivité » publiés en janvier par l’Institut de l’entreprise ou en mars par l’Institut Montaigne pour comprendre que le gouvernement a été puisé dans des rapports patronaux pour construire la charpente idéologique de sa réforme.
 
Mais cet immense transfert de charges en faveur des entre- prises et au détriment des salariés n’est pas une embardée – une sorte de concession aux milieux patronaux, comme pour les amadouer. Non ! C’est une réforme libérale qui va s’articuler avec de nombreuses autres, dont l’inspiration sera la même. Le gouvernement s’apprête, ainsi, à ouvrir un autre grand chantier, dont le chef de l’Etat n’a parlé que de manière allusive, en évoquant les 60 milliards d’euros d’économies qu’il faudra réaliser sur la durée du quinquennat, soit les 50 milliards d’euros d’économies déjà programmés auxquels il faut ajouter 10 milliards d’euros de coupes supplémentaires du fait de la réforme de la compétitivité. D’une phrase, François Hollande a levé le voile sur ce qui est en gestation : « Cela représente 1 % des dépenses publiques et nous pourrons les trouver par une réforme de l’Etat, dans la protection sociale et par une nouvelle organisation territoriale. »
 
Pour être elliptique, la formule n’en est pas moins transparente : ce ne sera pas par un durcissement uniforme des normes d’évolution des crédits budgétaires que l’objectif sera atteint, mais par une « réforme de l’Etat ». Traduction : pour ne pas éveiller de mauvais souvenirs, ce nouveau chantier ne sera pas baptisé « RGPP » (révision générale des politiques publiques), mais cela y ressemblera fort.
 
Et puis, il y a un troisième grand chantier, que François Hollande a présenté comme un « rendez-vous majeur », celui de la réforme du marché du travail, qui fait actuellement l’objet d’une concertation entre les partenaires sociaux et sur lequel, en cas d’échec, le gouvernement légiférera. Or, ce projet, même si ces contours sont encore imprécis, a une inspiration qui est bien connue : dans une logique libérale ou sociale- libérale, il s’agit d’avancer vers l’un de ces systèmes dits de « flexisécurité », dont tous les rapports de l’OCDE ou du FMI font l’apologie. Pour la gauche, il s’agit donc d’une révision doctrinale majeure : en 1981, les socialistes estimaient que « le contrat de travail à durée indéterminée redeviendra la base des relations du travail » — c’était la 22e  des « 110 propositions » ; trois décennies plus tard, les mêmes socialistes plaident en faveur de davantage de flexibilité.
 
Et c’est en cela que la politique économique surprend. Non pas qu’elle ait été amendée au fil des mois, au point de devenir un tantinet cafouilleuse ou incohérente. C’est précisément l’inverse : progressivement, on comprend que la politique qui se met en place a une cohérence forte, s’inscrivant dans une philosophie économique qui a été à l’évidence mûrement réfléchie. Mais une philosophie qui n’avait pas été affichée pendant la campagne présidentielle. 
S’il faut dire méchamment les choses, François Hollande s’expose à un procès inédit : non pas en reculade ou en reniement, mais en duperie.

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