Dans une tribune publiée par Libération, deux avocats, Régis
de Castelnau et Florence Rault, sont revenus sur l’Affaire Lazard, qui
concerne Arnaud Montebourg, Matthieu Pigasse et Audrey Pulvar. Selon
eux, la situation dans laquelle se trouve Arnaud Montebourg pourrait
être qualifiée de « prise illégale d’intérêts », un délit « puni de
cinq ans d’emprisonnement ».
Pour rappel, la nomination d’Audrey Pulvar à la tête des Inrocks
avait déjà fait beaucoup de bruit. Une compagne de ministre dirigeant un
important organe de presse constitue, au delà du manque de légitimité
troublant de la femme à ce poste (elle n’a jamais travaillé dans la
presse écrite), un danger pour notre démocratie, où la presse est censée
constituer un réel contre pouvoir et non un relais des versions
officielles.
Quelques semaines plus tard, l’affaire Lazard a explosé avec
l’annonce du choix du Ministère de la finance de confier un contrat de
conseil portant sur la banque publique d’investissement (BPI) à la
banque Lazard, dirigée par Matthieu Pigasse, le propriétaire des
Inrockuptibles, qui avait nommé Audrey Pulvar…
Un député UMP demanda aussitôt au gouvernement de rendre des comptes
sur cette histoire et différentes personnalités de droite, mais
également de gauche, dénoncèrent vigoureusement cette situation ambiguë
considérée par beaucoup comme un conflit d’intérêts flagrant (voir la vidéo de Sophia Aram).
Dans ce contexte, deux avocats se sont exprimés dans Libération pour
mettre en garde le ministre contre l’accusation de « prise illégale
d’intérêts » qui pourrait peser sur ses épaules et le voir condamner à
de la prison. Les juristes conseillent enfin au ministre, pour sortir de
cette position délicate, de démissionner, que l’état annule l’appel
d’offre remporté par Lazard, où que Pulvar démissionne.
Selon les deux juristes, même si cette drôle de situation était
vraiment le fruit du hasard, Arnaud Montebourg pourrait tout de même
être puni, car la loi « sanctionne, non pas des faits, mais une
situation. »
Voici les principaux extraits de cette tribune passionnante à retrouver ici dans son intégralité.
« On rappellera aussi que le respect formel d’une procédure
d’achat public ne garantit pas l’absence d’infraction. [...] Le «conflit
d’intérêts», concept déontologique, n’est pas directement une
infraction pénale. En revanche le code a bien prévu une infraction qui
permet de sanctionner le mélange intérêt public et intérêt privé. Punie
de cinq ans d’emprisonnement, c’est la «prise illégale d’intérêts»
prévue et réprimée par l’article L 432-12 du code pénal.
Que réprime le texte ? Le fait pour une personne dépositaire de
l’autorité publique de mélanger les casquettes en suivant une affaire
dans laquelle elle aurait un intérêt quelconque, direct ou indirect,
qu’il soit matériel ou moral. [...] Le texte sanctionne, non pas des
faits, mais une situation.
Pour qu’il y ait «prise illégale d’intérêts», trois conditions
doivent être réunies : a) l’auteur principal doit être un agent public –
ce qu’est un ministre ;
b) il doit avoir «la surveillance et l’administration de
l’affaire» – Arnaud Montebourg a, et aura la surveillance et
l’administration du montage, de la création et du fonctionnement de la
BPI : décisions, avis, orientations, jugement du travail effectué par la
banque de Matthieu Pigasse, affirmer le contraire, ne serait pas très
sérieux ;
c) il faut qu’il possède et conserve un intérêt privé direct ou
indirect, matériel ou moral, dans l’affaire dont il a la surveillance et
l’administration.
Selon la Cour de cassation, les relations de famille, ou
assimilées, relèvent de cette catégorie. L’embauche récente et l’emploi
de Mme Pulvar, compagne du ministre, par Matthieu Pigasse
créent «l’intérêt quelconque» prévu par le texte. [...] La création et
le fonctionnement de la BPI ne peuvent souffrir un tel soupçon et le
ministre être exposé à tout moment à une saisine de la justice. Demandez
leur avis à Eric Woerth et à son épouse. Trois solutions sont possibles
: l’Etat peut résilier le marché mais il faudra indemniser Lazard ;
Audrey Pulvar démissionne des Inrockuptibles ; enfin, Montebourg
abandonne ses fonctions. »
mercredi 19 septembre 2012
Affaire Montebourg/Pulvar: « prise illégale d’intérêts »(Libération)
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