mercredi 19 septembre 2012
Taisez-vous, nous débattons
Aujourd'hui tout le monde veut
communiquer, donner son avis sans écouter celui de son interlocuteur
parfois dans la cacophonie. L'époque est à la radicalisation et à
l’opposition. Les préjugés ont le vent en poupe et les débats, trop
chronophages, se font rares.
Jamais il n’a été si facile de se faire
entendre, mais il est dans certains cas bien difficile d’être entendu.
Qu’il s’agisse de l’islam, du mariage homosexuel, du gaz de schiste, des
syndicats, des patrons, des médias… il y a des opinions de bon
ton, et d’autres d’emblée bannies, censurées, caricaturées. Il y a des
pensées impensables, inaudibles.
L’époque
est à la radicalisation et à l’opposition, de plus en plus dogmatique.
On respecte l’avis d’autrui… surtout lorsqu’il est d’accord. Dans le cas
contraire, au mieux il a tort, le plus souvent il le fait exprès, « il
ment », ou il est incompétent, fait preuve d’obscurantisme lorsqu’il ne
s’agit pas de révisionnisme, ou tout simplement est agent de propagande,
manipulateur d’informations, qui instrumentalise l’opinion. Etre accusé de démagogue paraît finalement bien doux aujourd’hui.
Les
patrons sont forcément des exploitants voyous, les islamistes des
extrémistes (pour ne pas dire autre chose), ou, mieux, des « présumés
islamistes », les catholiques de rigides réactionnaires, les écolos des
gauchistes, les syndicats des communistes qui s’interdisent d’être
d’accord, les banquiers des voleurs, les politiques… des politiciens,
etc. La liste est longue, je vous laisse compléter ce catalogue des
stéréotypes et des idées reçues… pas totalement infondées pour
certaines ! (je plaisante, quoique…)
Le temps est à la caricature, au bashing, à l’expression rapide.
Les insultes et les dénigrements l’emportent sur les argumentations et
les démonstrations. Il suffit pour cela de regarder sur des sites
d’informations les commentaires à des articles un peu clivants, ils
tournent assez vite à des échanges d’insultes, avec la violence que
semble faciliter l’échange à distance, et souvent anonyme.
Les
propos se concentrent, se compriment, comme le temps, que nous n’avons
plus, que nous ne nous donnons plus, pour approfondir, discuter,
débattre, vraiment. Débattre sur des enjeux devenus tellement complexes
et interconnectés que tout résumer est réducteur.
Pourtant la pensée contraire, opposée, est un stimulateur d’arguments,
de raisonnements, de démonstrations. Elle pousse à raisonner parfois
l’intuition, à convaincre, et donc à faire adhérer. C’est toute la vertu
du débat contradictoire, plus intéressant que le dialogue
participatif où on laisse tout le monde s’exprimer sans que personne ne
s’écoute ou avec des conclusions prédéfinies.
Mais
ce débat contradictoire est un processus qui aujourd’hui rencontre une
autre limite, celle de s’autoriser à être d’accord avec son opposant, à
changer d’avis sans perdre la face, à revoir ses arguments voire des
convictions, à apprendre de l’autre. C’est là tout le paradoxe, tout le
monde s’exprime, cherche à faire valoir son point de vue en
s’interdisant d’en changer. Tout le monde cherche à parler et à émettre davantage qu’il n’écoute et ne reçoit.
Nous
dialoguons en silos, en communautés d’accord, sur des autoroutes
d’informations certes, mais qui circulent à sens uniques, ne se croisant
que de part et d’autre du parapet de l’ignorance et du dédain.
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