jeudi 19 juillet 2012
La France et l’Allemagne empruntent à des taux négatifs : pas une sortie de crise, le symptôme d’une zone euro en pleine catastrophe
La France a emprunté lundi 7,6
milliards d'euros à des taux négatifs. Le lendemain, la Belgique a suivi
le mouvement, ainsi que l'Allemagne qui a levé mercredi plus de 4
milliards d'euros à 2 ans. Une première dans son histoire pour une telle
échéance. Mais en dépit des apparences, cette situation traduit surtout
des tensions insoutenables pour la zone euro.
Alexandre Baradez : Les
investisseurs se dirigent vers les titres français car les rendements
sur la dette allemande sont si faibles que la France, parmi les pays sûr
de la zone euro, reste l'un des rares pays à présenter des rendements
relativement intéressants.
Nous sommes cepedant
sur des échéances très courtes - quelques mois seulement - lorsqu'il
s'agit de taux négatifs. Ainsi, sur les obligations à plus longue
échéance (à deux ans par exemple), seuls trois pays ont des taux
négatifs : l'Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas.
Nous constatons aujourd'hui une très forte sélection de la part des investisseurs sur les actifs choisis. Ils
s'orientent vers les pays les plus sûrs de la zone euro et s'écartent
de l'Espagne, de l'Italie et encore plus de la Grèce et du Portugal.
Dans ce contexte, même les marchés actions redeviennent attrayants, les
indices européens et américains ayant repris des couleurs ces derniers
jours.
Les acteurs n'investissent donc plus sur la zone euro dans son ensemble, mais sur certains pays en particulier.
Cette situation est d'ailleurs paradoxale puisque la France n'est pas
citée pour ses bons résultats en matière budgétaire. Pas autant que
l'Allemagne.
L'appétit pour la Belgique
s'explique, quant à lui, par le relatif bon taux de croissance de cette
économie par rapport aux autres pays de la zone euro. Mais les volumes
d'échanges y sont très faibles en comparaison de l'Allemagne ou de la
France.
Wolfgang
Schäuble, le ministre des Finances allemands, déclarait il y a quelques
temps qu'il n'y avait pas d'impact pour les pays qui empruntaient à des
taux négatifs. Cela est même très positif.
Mais
ce phénomène manifeste une défiance absolue envers les autres Etats
membres de la zone euro. Par conséquent, les taux espagnols et italiens
baissent très peu. Avec ces emprunts négatifs, nous arrivons à
une situation extrême. Si cela continu, nous irons vers des distorsions
trop fortes au sein de la zone euro.
Les
investisseurs font désormais une très grande distinction entre l'Europe
du Nord et celle du Sud. A court terme, le principal danger est celui
d'un retard de la mise en action du MES - Mécanisme européen de stabilité
– (la Cour de Karlsruhe , en Allemagne, se laisse jusqu'au 12 septembre
pour valider, ou non, la constitutionnalité, du fond de sauvetage
européen, ndlr), que la BCE ne puisse pas agir sur les taux et que l'on
assiste à une dégradation de l'économie en zone euro. Dans cette
optique, les acteurs de marché s'orientent vers les pays les plus sûrs
de la zone euro.
Le dernier sommet européen des 28
et 29 juin s'était conclu par une salve de déclarations qui allaient
dans la bonne direction, la meilleure d’entre elles étant celle du rôle
accordé au MES. En effet, seul ce dernier peut réduire les tensions qui
règnent en recapitalisant directement les banques et en intervenant, si
besoin, sur les marchés secondaires de dettes publiques. La BCE, qui
jusqu'ici a mené des actions de ce type, ne souhaite plus s'engager sur
cette voie. Ceci contribue à maintenir une pression sur les taux
italiens.
Le principal risque qui réside
est celui d'une hausse des taux d'intérêt exigés par les investisseurs,
les opérateurs et les spéculateurs à l'Espagne et l'Italie pour leur
prêter alors que d'autres pays, au sein de la même zone, empruntent
trois ou quatre fois moins cher. Pour faire baisser ce taux, il
faut soit que la BCE intervienne sur les marchés secondaires, soit
mettre en place un mécanisme, comme le MES ou le FESF.
Les investisseurs demandent des garantis et souhaitent que la banque
centrale se porte garante en dernier ressort comme le fait la Fed aux
Etats-Unis. Une solution qui leur assure de ne pas réaliser 80% de perte
comme ce fut le cas sur les titres grecs.
TRÈS MAUVAIS TEMPS POUR L'EURO
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