TOUT EST DIT

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mardi 3 juillet 2012

Euro : la preuve des défaillances du constructivisme

En mettant un doigt dans l’euro, les bras ont été entraînés dans un engrenage constructiviste (union budgétaire, intégration politique, super-État européen…) qui ressemble plus à une fuite en avant débridée qu’à une construction raisonnée et maîtrisée.
L’Europe sort-elle renforcée de son dernier sommet salué par tous comme un succès inattendu ? La zone euro pourra-t-elle continuer à s’élargir alors qu’elle est menacée dans ses fondations même ? Faisons un rapide état des lieux de l’Union Européenne (U.E.) - laquelle compte 27 États-membres dont 17 font partie de la zone euro - à l’aune des critères de Maastricht.

Les trois pays ayant eu le moins d'inflation en 2011 furent la Suède (+0,4%), Malte (+1,3%) et l'Irlande (+1,7%). Du coup, le niveau d’inflation à ne pas dépasser s’établit à 2,63%. 11 pays respectent ce critère. Le critère de l’inflation est celui qui est le mieux respecté. Rappelons que ce critère est du ressort de la B.C.E., seule responsable des orientations de la politique monétaire dans la zone euro.
Concernant le déficit public, seuls 4 pays respectent le critère des 3% du PIB. Deux sont même en excédent (Estonie et Suède) tandis que les déficits les plus élevés se trouvent en Irlande (31,3%) et en Grèce (10,6%).
Concernant la dette, 14 États membres affichent un ratio de dette publique supérieur à 60% du PIB parmi lesquels la Grèce (165,3%), l’Italie (120,1%), l'Irlande (108,2%), le Portugal (107,8%), la Belgique (98,0%) et la France (85,8%).
Enfin, les taux d'intérêt sont déterminés par les pays ayant eu l'inflation la plus faible. C’est notamment le cas de l'Irlande. Mais du fait de la crise financière qui a frappé ce pays, ses taux d'intérêt se sont élevés à 9,6% en 2011. Du même coup, la moyenne autorisée par le critère de Maastricht s’est établie à 7,57%, ce qui permet à 24 pays sur 27 de remplir le critère du taux d’intérêt. Les trois pays restants sont la Grèce, la Hongrie et le Portugal. Sans cet effet « Irlande », plus de la moitié des pays n’aurait pas respecté ce critère [1].
Ce que l’on sait moins, c’est que le respect scrupuleux des critères budgétaires (déficit, dette) suppose une croissance économique supérieure à 3% et des taux d’intérêt autour de 2%, des conditions qui n’ont jamais été réunies ces dix dernières années. La monnaie unique a été bâtie sur des hypothèses de croissance très optimistes qui ne se profilent pas à l’horizon. Du coup, alors que l’Euro devait nous prémunir de toutes les dérives – c’était bien l’argument des partisans de Maastricht - dettes et déficits se sont accumulés : la monnaie unique n’a pas été le rempart aux dérives budgétaires.
Cette situation a conduit certains experts à affirmer que l’Europe ne constituait sans doute pas une « zone monétaire optimale », ce qui condamne tout processus d’intégration monétaire à l’échec [2]. Pourquoi donc imposer une monnaie unique au sein d’une zone qui ne remplit pas les conditions de sa réussite ? Peut-être a-t-on considéré que l’intégration monétaire allait transformer une zone a priori hétérogène en un ensemble cohérent ayant a posteriori les caractéristiques d’une « zone monétaire optimale ». Dans cette perspective, la « zone monétaire optimale » devenait non plus la condition mais le résultat du processus d’intégration monétaire.
Encore une fois, tout dépend de la capacité (et donc de la crédibilité) des gouvernements à respecter leurs engagements, notamment en matière budgétaire où ils sont encore souverains. Mais si des gouvernements souverains se montrent incapables de maîtriser leurs finances publiques, alors il reviendra à Bruxelles de contrôler les budgets nationaux. Mise sous tutelle pour les uns ou transfert de souveraineté pour les autres ? C’est en tout cas la position allemande qui ne conçoit pas une intégration monétaire viable sans une union budgétaire approfondie. Autrement dit, soit on abandonne l’euro, soit on abandonne sa souveraineté budgétaire.
Comme aucun gouvernement n’est prêt à prendre la responsabilité de la fin de l’eurozone (considérée comme un processus irréversible), on se dirige inéluctablement vers un approfondissement du processus d’intégration européenne qui prendra nécessairement une dimension politique. Et c’est bien ce qui s’est dessiné jeudi dernier à l’occasion du  19ème sommet européen depuis la crise grecque.
Parallèlement à ces discussions, ce sont les spécificités nationales - voire les fractures ou les divisions - qui s’affirment au sein de la zone euro. Dans ces conditions, difficile d’envisager un élargissement. Certains dirigeants ont alors proposé d’assouplir les critères de Maastricht tout en remettant en cause le statut et les objectifs de la B.C.E. Mais cela reviendrait à relâcher la discipline au cœur du projet d’intégration monétaire en prenant le risque de miner davantage la crédibilité de l’euro, déjà bien compromise par le non-respect des critères de convergence.
De fait, la zone euro souffre aujourd’hui d’une dérive des finances publiques sur fond de crise de la dette, de croissance molle et de chômage croissant qui appellent de profondes réformes. Ces fléaux menacent sa cohésion voire son existence, surtout si les pays non-vertueux parviennent à imposer leurs exigences aux pays les plus vertueux, en réclamant notamment une mutualisation des dettes qui pourrait être la porte ouverte à de nouvelles dettes. Il est vrai qu’au-delà d’un certain niveau d’endettement, ce sont les créanciers qui se retrouvent à la merci des débiteurs [3].
Force est donc de constater que la monnaie unique n’a pas été la baguette magique tant attendue par les rédacteurs du traité de Maastricht, surtout quand les gouvernements ne se sentent plus engagés aujourd’hui par les traités qu’ils se sont empressés de signer hier [4]. Comment croire alors, dans ce contexte, qu’ils seront capables de respecter dans le futur les engagements pris à l’occasion de nouveaux traités (pacte de stabilité, pacte de croissance, règle d’or…) ? En mettant un doigt dans l’euro, les bras ont été entraînés dans un engrenage constructiviste (union budgétaire, intégration politique, super-État européen…) qui ressemble plus à une fuite en avant débridée qu’à une construction raisonnée et maîtrisée.
Au moment où il est de bon ton de s’interroger sur les défaillances des marchés, ce constat pose la question de la solidité et de l’efficacité des régulations économiques que les gouvernements veulent inscrire dans les traités internationaux.
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Sur le web.
Lire aussi : Euro : la preuve des défaillances du constructivisme (1)
  1. Ce choc « Irlande » illustre le fait que quand un pays vertueux l’est moins, alors des pays non vertueux sont considérés comme vertueux. Ce problème d’ancrage des critères pose la question de la stabilité de la zone euro dans son ensemble.
  2. La théorie de la « zone monétaire optimale » a été fondée dans les années 60 par l’économiste Robert Mundell, ce qui lui valu le prix Nobel d’économie en 1999. Il est aujourd’hui considéré comme le père spirituel de l’Euro. Voire Mundell R. (trad. de Damien Fréville et Christophe Morel), « Une théorie des zones monétaires optimales », in Revue française d'économie, Volume 18 N°2, 2003, pp. 3-18.
  3. C’est ainsi que, jeudi dernier, l’Espagne et l’Italie ont menacé de faire exploser l’euro pour obtenir l’aide de leurs partenaires (et faire plier l’Allemagne). Reconnaissons tout de même que les gouvernements italiens et espagnols ont entrepris de profondes réformes visant à s’attaquer aux causes des déficits comme le demandait le gouvernement allemand.
  4. « Les faits ont donc condamné l'utopie qui prétendait faire converger l'économie des pays de l'euroland et leur gestion politique par la seule union monétaire », Thomas Silberhorn, député CDU au Bundestag, conférence de l’Institut Turgot à l’Assemblée nationale,  le 16 novembre 2011.

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