mercredi 27 juin 2012
Sortie de crise : les dirigeants politiques comprennent-ils que les solutions ne se jouent plus au niveau des Etats ?
Le pouvoir politique noyé dans un
système mondialisé, a du mal à trouver les moyens d’agir et d’influer
sur le cours des choses, tout en restant persuadé qu’il en a l’autorité.
L’Europe se plaint du diktat de la finance, et ne parle que de dettes, d’argent et de sauvetage des banques depuis des années.
On voudrait partager les dettes, autrement dit mutualiser le passé
alors que nous devrions surtout être solidaires de l’avenir. Quid des
grands programmes de développement ? De la politique européenne des
affaires étrangères (face à la Syrie par exemple) ? Du droit du travail
pour éviter le dumping social ? De la politique énergétique (le sommet
de Copenhague avait été considéré comme un échec, celui de Rio n’a même
pas eu droit à cette qualification, il est tout simplement passé
inaperçu) ?
Les Etats sont en faillite, le
pouvoir politique aussi, en faillite de solutions, et donc de
crédibilité et de légitimité, non pas démocratique mais de compétence.
On parle de « tous les pouvoirs », mais lesquels ? Celui par décret
d’ordonner au vent de la mondialisation de souffler moins fort ? Celui
d’augmenter le Smic de 22 euros pour redonner du pouvoir d’achat ? On
n’a pas le pouvoir de créer le marché du seul fait d’être nommé au
comité de direction. Les pouvoirs sont partagés, le pouvoir politique
doit surtout les faire converger, il doit diriger au sens de la
direction à indiquer davantage que diriger au sens illusoire de tout
vouloir diligenter.
Jamais comme aujourd’hui nos destins n’ont été aussi liés, interdépendants.
Et pourtant, qu’il est difficile de sortir de son pré carré, de l’aire
définie par son périmètre démocratique national. Lorsqu’il s’agit
d’influencer les gestions et politiques publiques et budgétaires
d’autres Etats, vous êtes rapidement critiqué pour ingérence, lorsqu’il
est raisonnable de se résoudre à suivre des règles communes, vous êtes
accusé de subordination fédéraliste mettant en cause la sacro sainte
souveraineté nationale.
Mais lorsque les
contribuables européens doivent financer les errements budgétaires
d’Etats qui ne sont pas les leurs, lorsque l’intervention armée d’un
Etat ou d’un groupe d’Etats engendre des représailles terroristes
aveugles ici où là, lorsque nous mourrons ici de ce qui est pollué
là-bas, lorsque des emplois sont perdus chez nous du fait d’un dumping
social et fiscal ailleurs, nous comprenons bien qu’on ne peut pas à la
fois revendiquer une souveraineté nationale et interpeller les autres en
cas de difficulté, que celles-ci viennent de son propre territoire ou
qu’elles soient importées.
Nos représentants politiques sont des élus nationaux, légitimes sur leurs territoires démocratiques respectifs.
Mais ils ont également un mandat international, celui-ci est non
démocratiquement acquis, il est implicite, il relève de la
responsabilité qu’ils ont à participer à une gouvernance mondiale
profitable à tous. Nous souffrons aujourd’hui d’anarchie politique, au
niveau mondial, et bien sur particulièrement au niveau européen.
L’anarchie est souvent considérée socialement, pour évoquer désordre,
absence de règle, d’autorité reconnue et en capacité d’agir,
individualisme forcené. L’anarchie est alors souvent une force
d’antichambre de la rébellion et de la guerre civile.
Nous
vivons aujourd’hui, et nous en souffrons, une situation d’anarchie
politique mondiale et européenne, une anarchie mondaine et courtoise,
dissimulée derrière les vitrines des sommets internationaux. En
l’absence de cette gouvernance politique, cette anarchie, dont nous
avons conscience, est considérée comme du seul fait des marchés, et
notamment de ces fameux marchés financiers. Mais charité bien ordonnée
commence par soi-même, l’anarchie politique est la mère de toutes les
anarchies.
Nous dépendons les uns des autres, et au lieu
continuellement de voir cela comme une contrainte, une faiblesse ou une
blessure d’orgueil, nous avons tout intérêt à en faire une force, un
levier. Cette interdépendance est valable à tous les niveaux, à
commencer par les niveaux de proximité, à l’échelle d’un territoire ou
d’un pays. Entre les entreprises et les pouvoirs publics, entre
l’enseignement et le monde du travail, entre le privé et le public, il
faut cesser l’opposition systématique et dogmatique qui fait que chacun
se considère comme garant du bien commun et détenteur de la solution.
Nous sommes liés, c’est la nouvelle donne du siècle, c’est ce qui créera
notre perte ou notre renouveau. C’est une nouvelle donne économique
(c’est une évidence mais nous souhaiterions nous en abstraire),
écologique (nous le savons mais nous l’ignorons), mais également
politique (nous le refusons, et simultanément en critiquons l’absence).
Le
monde s’est construit autour de territoires, de peuples et de nations,
il doit se poursuivre en tant qu’humanité, en tant que communauté de
civilisations, collectivement. Inutile de dire qu’il y a du chemin à
parcourir, pourvu que ce chemin ne soit pas celui de l’exode fuyant les
terres brulées.
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