mercredi 27 juin 2012
Ordinations, vocations et crise de l’Église
Alors que la Conférence des évêques de France vient de donner ses
chiffres encore en baisse pour les ordinations de 2012 – 96 ordinations
de prêtres diocésains, contre 111 l’an dernier (1) –, le Saint-Siège a
présenté lundi un document intitulé Orientations pastorales pour la promotion des vocations au ministère sacerdotal.
Le Cardinal Zenon Grocholewski, Préfet de la Congrégation pour
l’éducation catholique, a expliqué que ce document avait été sollicité
après l’assemblée plénière de cette congrégation en 2005, et élaboré à
partir de 2008, grâce aux réponses et suggestions des conférences
épiscopales face notamment à la crise de la famille avec la diffusion
d’une mentalité sécularisée :
« Tenant compte de ces difficultés, le document énumère les
conditions nécessaires pour que la grâce de l’appel trouve un terrain
fertile dans l’Eglise et l’ouverture des jeunes à la vocation
sacerdotale : un terrain fertile de vie chrétienne dans la communauté
ecclésiale, la fonction irremplaçable de la prière, la valeur de la
pastorale intégrée, un nouvel élan d’évangélisation et de mission, le
rôle central de la famille, le témoignage de vie cohérent et joyeux des
prêtres, l’efficacité éducative des expériences de volontariat, et la
valeur des écoles et des universités. »
Mgr Jean-Louis Bruguès, secrétaire de la Congrégation
(malheureusement connu de nos lecteurs pour ses positions hétérodoxes
jamais amendées), a pour sa part dénoncé une « tendance à une transformation progressive du sacerdoce en profession ou métier » qui peut conduire à « la
dangerosité de l’activisme exaspéré, à un individualisme croissant qui
enferme souvent le prêtre dans une solitude négative et déprimante, et à
la confusion des rôles dans l’Eglise qui apparaît lorsqu’on perd le
sens de la différence de compétences et de responsabilités et que tous
ne convergent pas dans la collaboration à l’unique mission confiée au
Peuple de Dieu ». Après un rappel de l’identité du ministère sacerdotal,
le document romain avance donc des suggestions pour l’animation
pastorale des vocations, tout en rappelant, selon Mgr Vincenzo Zani
(sous-secrétaire), « que le terrain fertile de la graine
vocationnelle est une communauté chrétienne qui écoute la Parole, prie
avec la liturgie et témoigne de sa charité ».
Interrogé par Le Monde de samedi, Mgr Rey, évêque de
Fréjus-Toulon (seul diocèse avec Paris à procéder à une dizaine
d’ordinations) explique de son côté sa pastorale, contrastant avec celle
de la plupart des autres évêques français (il a un séminaire
accueillant 80 séminaristes, dont une douzaine originaires du diocèse) : « J’ai
développé la présence de communautés nouvelles pour enrichir et
féconder le terrain local. A présent, il y a dans le diocèse une
cinquantaine de ces mouvements, venus d’autres univers, dont 25 forment
des prêtres (…). Aujourd’hui, les jeunes choisissent un séminaire comme
on choisit une école de commerce, par Internet ; ils recherchent un
parcours significatif. La référence territoriale n’agit plus. Cette
approche correspond à ce qui se passe dans la société civile,
caractérisée par un fonctionnement en réseaux et une mondialisation des
échanges… »
Plus spécifiquement, dans un contexte à la fois de sécularisation et d’islamisation galopantes, il explique : « Une
composante de cette nouvelle évangélisation a en effet consisté à
installer une communauté de prêtres traditionalistes dans un quartier de
centre-ville à majorité musulmane. Certains de ces prêtres ont reçu une
formation au monde musulman. L’évangélisation ne doit pas être de la
provocation, mais peut se faire à travers des rencontres, en toute
délicatesse. Dans ce quartier, nous organisons des processions, et cela se passe très bien. (…) Dans une société sécularisée où la présence chrétienne est effacée, l’important est de lui donner une visibilité.
La foi n’est pas seulement quelque chose d’intime, c’est aussi une
manifestation collective. L’Eglise doit être aussi un signe pour ceux
qui sont à l’extérieur… »
C’est dans cette situation préoccupante de crise des vocations – avec cette « exception culturelle », si l’on peut dire, de ce que Mgr Lefebvre nommait « l’expérience de la tradition » au sens large !
– que nous apprenons que Mgr Fellay ne souhaite pas signer le dernier
texte romain qui lui a été remis le 13 juin. Par une lettre du
secrétaire général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, adressée
aux supérieurs et diffusée sur internet (nous la reproduisons en
page 4), il s’en explique laconiquement tout en dévoilant la crise qui
paraît se dessiner au sein de sa mouvance. « Quand il y a une éclipse, tout le monde est à l’ombre » (Péguy).
(1) Mais il faut compléter ce chiffre par les membres de fraternités sacerdotales diverses (FSSPX
exclue), soit au total près de 150 ordinations sacerdotales en France.
Près de la moitié des diocèses n’auront aucune ordination. Par ailleurs,
76 séminaristes, qui deviendront prêtres l’an prochain, seront
également ordonnés comme diacres en vue de la prêtrise.
REMI FONTAINE
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