Chacun s'est étonné de la dureté d'Angela
Merkel à l'égard des propositions de Paris. C'est pourtant la
conséquence logique de la position de Berlin depuis le 6 mai
Le contraste est frappant. De ce côté-ci du Rhin,
la presse s'est enflammée jeudi 7 juin à la publication du projet
d'initiatives de croissance du gouvernement allemand. Il s'est même agi
de la grande affaire du jour et chacun tentait de comprendre l'échec de
François Hollande. Outre-Rhin, les observateurs ont à peine noté le fait
et n'ont pas insisté sur l'humiliation du président français. Ce fossé
s'explique aisément. En France, beaucoup voulu croire que l'élection de
François Hollande allait changer la donne en Europe et que le nouveau
locataire de l'Elysée pourrait imposer une relance par les
investissements. Pour dire vrai, les institutions bruxelloises se sont
faites complices de cette illusion en ne cessant de marteler, dans les
jours qui ont suivi l'élection française, le mot de « croissance ». On a
vu Angela Merkel faire le dos rond et elle-même murmurer ce mot
magique. On a cru que l'affaire était dans le sac. C'était mal connaître
et l'Allemagne et la chancelière.
Une position allemande fermeÉeh ! euh, c'est une blague ?.T'inquiète, Mario il est con.
Durant le dernier mois, Angela Merkel n'a en réalité jamais cédé sur
cette question de la croissance. Pour elle, engager aujourd'hui une
relance keynésienne serait des plus nocives. Elle donnerait l'illusion
d'une reprise qui entraînerait du relâchement dans ce qu'elle considère
toujours comme la priorité absolue : l'assainissement des finances
publiques. Voici pourquoi, à chaque fois qu'elle a évoqué la croissance,
la chancelière a précisé qu'elle ne voyait pas d'autres solutions pour
la relancer que l'amélioration de la compétitivité par « des réformes
structurelles ». Sa proposition de jeudi est donc cohérente.
Piège tendu
Il s'agissait donc d'un dialogue de sourd, mais les observateurs
français n'y ont vu qu'une avancée de Paris. En réalité, pendant ce
temps, la chancelière tissait son piège. Elle a d'abord désamorcer le
danger intérieur en s'entendant avec le SPD pour une adoption avant
l'été du pacte budgétaire, moyennant un impôt sur les transactions financières
. Du coup, ce pacte que François Hollande ne veut pas ratifier tel quel
le sera sans doute par les sociaux-démocrates. Il perd là un appui
précieux pour faire pression sur la chancelière.
Désamorçage européen
La chancelière a ensuite désamorcé le danger européen en tentant de
mettre les fédéralistes bruxellois de son côté. Jeudi, elle s'est ainsi
proclamée favorable à une union politique de l'Europe. Condition qu'elle
pose, là aussi depuis toujours, pour donner son accord aux obligations
communes. Et ici également, François Hollande est mis en difficulté,
sommé de dire s'il accepte la perte de compétences nationales en faveur
d'institutions fédérales pour parvenir à son objectif
d'euro-obligations. Alors que l'opinion française comme le parti
socialiste sont très divisés sur le sujet européen. Nul doute que
l'Elysée ne sera guère loquace sur le sujet. Et les Eurobonds ont ainsi
toutes les chances d'être enterrées. Et si elles ne sont pas, elles ne
serviront pas à faire de la relance.
Le but de la chancelière : sa réélection
Angela Merkel est un animal politique. Sa seule ambition est son
maintien à la chancellerie en 2013. Elle est actuellement en difficulté
dans les sondages et elle a vu « son ami Nicolas » emporté par la
crise... Elle n'a donc aucune raison de céder à François Hollande face à
une opinion allemande peu encline à faire de la « croissance à la pompe
», comme on dit outre-Rhin. Au contraire, si elle sort vainqueur de ce
bras de fer avec le président français, elle pourra se prévaloir
outre-Rhin d'avoir défendu les intérêts de la république fédérale en
Europe. Et espérer un retour en grâce auprès de son opinion.
Le pari perdu de Paris
Du côté de Paris, l'illusion semble désormais brisée. Il est à
présent impensable (mais en réalité, il en a toujours été ainsi) que
l'Europe se lance dans une politique de relance. La véritable question
est, à présent, de savoir quelle sera la politique européenne de la
France. Sans l'objectif de la relance, ne lui restera-t-elle plus qu'à
rentrer dans le rang et revenir à la rigueur.
samedi 9 juin 2012
Europe : Comment Merkel a piégé Hollande
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