TOUT EST DIT

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jeudi 10 mai 2012

Pour voir l’avenir, regardons la Grèce

Comment, compte tenu des circonstances actuelles, la Grèce pourrait-elle rester dans l’euro ? Elle semble devenue ingouvernable et le reste de l’Europe ne sera pas épargné par le contrecoup.
Si ce dimanche l’élection sans surprise de François Hollande a monopolisé l’actualité, les caméras ne se sont pas assez penchées sur d’autres scrutins, bien plus cruciaux, à la périphérie de l’Europe.
Je parle bien sûr de la Grèce, où vient sans doute de se jouer le destin de l’intégration politique du Vieux Continent.
Deux sièges. Deux tous petits sièges séparent la coalition sortante de la majorité absolue de 151 sièges sur les 300 que comptent le Parlement grec :


Qui aurait cru que « l’énorme coalition invincible » représentée par les deux plus grands partis historiques de la Grèce, gauche et droite unies par les circonstances dramatiques que traverse le pays, se ferait balayer au point de réunir moins de la moitié des sièges ? Si la Nouvelle Démocratie résiste quelque peu, le Pasok s’est effondré, malgré sa réforme. La crise de la dette publique a complètement éreinté les partis politiques traditionnels.
Les nouveaux venus représentent un assemblage hétéroclite de valeurs parfaitement antagonistes, réunies par un unique point commun : le refus du plan d’austérité signé par le gouvernement grec avec ses bailleurs de fonds (Banque Centrale Européenne, Fonds Monétaire International, Fonds Européen de Stabilité Financière).
L’impasse semble donc inévitable.
Selon la constitution grecque, le parti vainqueur des élections a trois jours pour former un gouvernement. S’il échoue, le deuxième parti a trois jours pour former un gouvernement. S’il échoue encore, le troisième parti hérite alors de la charge. S’il échoue lui aussi, enfin, le chef de l’État peut convoquer les leaders de tous les partis parlementaires pour une réunion de la dernière chance, sans limite de temps cette fois-ci.
Nous n’aurons sans doute pas à attendre l’expiration de tous ces délais. Mardi soir, le chef de Nouvelle Démocratie Antonis Samaras a déjà jeté l’éponge, laissant sa chance au leader du parti d’extrême gauche Alexis Tsipras. Farouchement opposé au plan de sauvetage et à la politique d’austérité, il est peu probable qu’il réussisse à s’allier avec le Pasok ; quant aux communistes du KKE, ils ont d’ores et déjà annoncé qu’ils refuseraient toute participation à un gouvernement. Et il y aurait même des néo-nazis dans la nouvelle assemblée… Les premières sessions parlementaires à Athènes promettent d’être spectaculaires.
La seule petite chance qu’a la Grèce d’échapper au chaos institutionnel serait une nouvelle alliance du Pasok et de Nouvelle Démocratie, rendue possible par l’adjonction de quelques électrons libres venus des autres partis. Mais cette improbable coalition, si elle venait à voir le jour, serait fragile comme du cristal face aux difficultés immense que traverse le pays. Elle paraît non seulement hypothétique, mais aussi incapable de tenir plus de quelques mois.
De quelque façon que l’on tourne le problème, la Grèce semble devenue ingouvernable. Au pire, de nouvelles élections auront lieu en juin ; mais au vu de la tendance, on se demande quelles nouvelles monstruosités sortiront alors des urnes.
Nous ne sommes pas en Belgique. La vie en Grèce n’est pas un long fleuve tranquille. La paralysie institutionnelle grecque ne va pas sans poser quelques difficultés à nos doctes économistes de l’Europe d’en haut, administrant avec un bel aveuglement potions et saignements sans jamais voir la révolte qui gronde…
La Grèce sortira-t-elle de l’euro ? La question n’a même plus de sens ; il faut la poser autrement, désormais. Comment, compte tenu des circonstances actuelles, la Grèce pourrait-elle rester dans l’euro ?
La zone euro telle que nous la connaissons, et dont certains politiciens clamaient encore il y a quelques jours qu’elle était « sauvée » grâce à leur efforts, est promise à une désintégration rapide. La Grèce va sortir de l’euro, c’est une question de semaines, de quelques mois peut-être.
Cette sortie passera vraisemblablement par la fermeture, par les créanciers, des robinets maintenant sous perfusion l’administration grecque. Face à l’évidence, même les pires technocrates de Bruxelles parviendront à réaliser que l’argent versé à la Grèce est à fonds perdu.
Les fonctionnaires grecs ne seront plus payés, les allocations plus versées. Ensuite, tout est possible – le chaos étant une éventualité très vraisemblable. Euro ou Drachme, quelle importance ? À Athènes, il faudra bien trouver de quoi manger. Perdu pour perdu, la Grèce se sentira parfaitement libre de faire un bras d’honneur à ses créanciers, se précipitant vers un scénario façon Argentine.
Le reste de l’Europe ne sera pas épargné par le contrecoup. Il va bien falloir éponger l’ardoise. Dieu sait ce que la comptabilité créative des divers plans d’aide va révéler, une fois que les « garanties » annoncées ici et là devront être présentées pour provisionner les pertes ! Et comment vont réagir les Italiens, les Portugais, les Espagnols en voyant ce qui les attend ? Comment vont évoluer les bourses ? Comment vont changer les taux d’intérêt des emprunts d’État ? Comment vont résister les banques ? Comment l’économie va-t-elle absorber le choc? Comment vont se dégrader les notes des uns et des autres ? Comment réagiront nos nouveaux dirigeants, qui se font tancer depuis le Japon pour leurs promesses parfaitement intenables ?
Nous vivons peut-être les derniers jours de l’Europe d’avant.

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