TOUT EST DIT

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vendredi 9 mars 2012

Lutte des classes

Demandez à un Allemand ce qu’il pense du super-impôt à 75 %, il vous dira : votre M.Hollande est en train de se tirer une balle dans le pied. Parlez-en à Ed Miliband, le leader travailliste britannique – qui vient de la gauche du parti – , il vous dira : nous n’avons pas l’intention de dépasser les 50 %.
Il suffit d’ailleurs de comparer les barèmes de l’impôt sur le revenu de nos voisins européens : aucune tranche ne dépasse le taux français de 45 %. Et encore celui-ci doit-il être augmenté de la CSG et de la CRDS qui portent le prélèvement à 53 % – avec François Hollande, ce serait donc 83 %. Eh bien, là où l’Allemand juge que c’est une sottise, où le travailliste anglais estime que l’on ne doit pas franchir les 50 % de prélèvements, que pensent les Français ? On peut faire un référendum sur le sujet ; le résultat est connu d’avance, les sondages vous le disent : ce sera au moins 60 % de oui.
Les Français applaudissent à l’impôt quand il est payé par un autre. Or un contribuable sur deux ne paie pas d’impôt sur le revenu. Les Français sont donc toujours hostiles à toute hausse de la TVA qu’ils paient, et toujours favorables à la hausse des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu, du barème de l’ISF ou des plus-values dès lors qu’ils ne les paient pas. On peut leur opposer des arguments rationnels et de bon sens (lire notre dossier  ainsi que le Rendez-vous d’Olivier Dassault), cela ne modifie les jugements qu’à la marge. Démagogie ? En France, le discours “antiriches” relève de l’idéologie de la lutte des classes et de la mythologie révolutionnaire avec ses préjugés et ses invectives. Et ça marche, même sur une opinion surinformée.
Sur quel argument François Hollande s’est-il fondé pour annoncer son super-impôt ? Sur la hausse de 34 % que les dirigeants du Cac 40 se seraient accordée sur leurs rémunérations de 2010. La source de cette information est-elle fiable ? En réalité, elle mélange salaire, rémunération variable et valeur des stock-options. Là où les salaires n’ont pas bougé, ce sont les rémunérations variables qui ont augmenté – en raison de la hausse des bénéfices des sociétés cette année-là par rapport à l’année précédente, qui était un exercice de crise. Les patrons ne se sont donc pas augmentés de manière indécente – c’est leur rémunération variable dont ils ne sont pas maîtres qui a progressé. Qui le dit ? Même le patronat français, tétanisé à l’idée de venir au secours des grands patrons, alors qu’il s’agissait de redresser les erreurs et d’expliquer les chiffres, est resté discret. Il faut être président de la Ligue ou d’un club de football pour être audible.
François Hollande n’est ni Saint-Just ni Robespierre. Il est allé à Londres expliquer aux Français expatriés, pour cause de liberté et de fiscalité (ils sont 300 000), qu’il n’était pas « dangereux ». Mais après avoir déclaré que la finance était son « ennemie », il a voulu frapper plus loin et plus fort : en transformant Nicolas Sarkozy, “président du peuple”, en “président des riches”. Une méthode déjà utilisée avec succès à deux reprises par François Mitterrand. En 1981, celui-ci avait attaqué au canon les “accapareurs”, les “châteaux”, et à travers eux, Giscard, “l’homme des diamants”. Cette affaire, une plaquette de “diamants” de 1 ou 2 carats offerts par un potentat africain, Bokassa, avait éclaté dix-huit mois avant la présidentielle. Giscard avait traité cette histoire par le mépris. Mais le mot “diamant”, reconnaîtra-t-il, était « magique ». Cela devait défigurer son image. Un poison que Mitterrand sut habilement utiliser pendant sa campagne. Les “diamants” de Sarkozy, c’est cette soirée du Fouquet’s organisée par sa femme (Cécilia) pour sa victoire avec des célébrités et des grands patrons. Un autre poison que Hollande sert dans chacun de ses discours.
En 1988, lorsque Mitterrand fut candidat à sa réélection, il avait en face de lui son premier ministre, Jacques Chirac, et son parti, le RPR : il dénonça « les partis, les clans, les bandes » qui voulaient s’emparer du pouvoir, les « intérêts particuliers égoïstes » qui allaient « déchirer le tissu social » ; il accusa Chirac d’avoir abrogé l’impôt sur la fortune – et celui-ci fut convaincu qu’il devait à cette décision sa défaite à la présidentielle. Ni Lionel Jospin en 2002 ni Ségolène Royal en 2007 n’ont remis la lutte des classes à leur programme. François Hollande y revient en comptant bien rééditer les succès de Mitterrand. Le tout est de savoir, si les socialistes cumulaient à la fois tous les organes de l’exécutif (État et collectivités locales) et ceux du législatif (Assemblée et Sénat), ce qu’ils feraient de cette suprématie sur un tel fond de lutte des classes. François d'Orcival, de l'Institut

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