TOUT EST DIT

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mardi 6 décembre 2011

"Standard and Poor's est allée trop loin"

L'agence de notation américaine menace de dégrader quinze des dix-sept membres de la zone euro, dont la France et l'Allemagne. Selon Norbert Gaillard, spécialiste des agences, elle sort ainsi de son mandat en pariant sur l'implosion de la zone euro. 

L'annonce de Standard and Poor's est-elle politique comme on l'affirme en Allemagne à trois jours d'un sommet européen ?
Les agences ne font pas de politique. Elles observent si les Etats ont de bonnes institutions, et une politique économique crédible. Ici Standard and Poor's intervient à trois jours du sommet de Bruxelles, mais il faut savoir qu'en ce moment il y a tout le temps des réunions des ministres des Finances européens ou de chefs d'Etats et de gouvernements. C'est une volonté légitime des Etats de dire "vous ne pouvez pas nous menacer, nous préparons quelque chose", mais ils ont eu des opportunités d'agir en juillet, en octobre et lors des différents G20. Il faut maintenant prendre la balle au bond et l'Allemagne doit prendre ses responsabilités.
Mais pourquoi cela arrive-t-il alors que plusieurs mesures ont été annoncées et que les marchés semblent les apprécier?Les agences ont fait des efforts pour limiter les risques d'annonces au mauvais moment. Depuis quelques mois, elles les font en dehors des heures d'ouverture des marchés et lors des rebonds boursiers, lorsque les impacts sont plus faibles. Et c'est le cas ici puisque les bourses européennes ont gagné 12% en une semaine, et les spreads se sont fortement resserrés. Imaginez le tollé si elle avait fait cette annonce il y a quinze jours au moment où les bourses chutaient... Certes aujourd'hui on dit qu'elle menace de casser l'embellie.
C'est une menace exagérée ?Standard and Poor's est allée trop loin en menaçant de dégrader l'ensemble des pays de la zone euro. Car après les menaces sur le risque souverain, l'agence donne un signal clair sur la pérennité de la zone euro et envisage l'implosion dans une échéance de trois à six mois. Tant que les agences sont en retard sur les crises, à la limite ce n'est pas gravissime. Mais si une agence fait naître une crise comme celle qui pourrait suivre la dégradation de l'ensemble des Etats européens si le sommet de vendredi accouche d'une souris, là c'est beaucoup plus grave. Les agences ont déjà aggravé des crises mais elles n'ont jamais été directement responsables de leur naissance. Car aujourd'hui l'éclatement de la zone euro n'est pas envisagé par les investisseurs, tant sur les taux d'intérêt que sur le niveau du taux de change. Ce qui pourrait même amener à terme à la disparition des notations souveraines.
Qu'aurait dû faire l'agence alors ?Elle aurait dû trier parmi les Etats de la zone euro en en plaçant une partie seulement en perspective négative, et pourquoi pas, menacer uniquement les pays notés triple A. Sauf qu'ici, elle a même mis l'Espagne, l'Italie ou la Belgique, des Etats qui se sont récemment fait dégrader et chez qui il ne s'est rien passé de grave depuis. Là c'est trop massif, trop global. Et la conséquence c'est qu'on se retrouve dans une situation où l'agence ne peut pourra pas dégrader certains Etats sans toucher aux autres.
Les Etats risquent vraiment de se faire dégrader ?Il suffit de voir les statistiques de l'agence. Pour Standard and Poor's, 70% des mises sous perspectives négatives se sont soldées par une dégradation dans les trois mois qui ont suivi. Avec le stress qui entoure la zone euro depuis plusieurs mois, on est à un niveau bien supérieur à ces 70%.
Derrière cette menace y-a-t-il un appel du pied à la BCE ?Il est clair que si ce week-end les chefs d'Etats et de gouvernements annoncent que la BCE sera préteur en dernier ressort, que le FMI est prêt à intervenir et qu'on a trouvé un accord avec des fonds souverains, alors on pourra éviter une dégradation. Ce qui pourrait convaincre l'Allemagne de réagir même si on peut encore en douter. En revanche il ne faut pas oublier que la BCE est indépendante et peut aussi agir de son côté. En dehors de la baisse éventuelle du taux directeur de la BCE à la réunion du Conseil des gouverneurs ce jeudi, Mario Draghi pourrait décider d'une action spécifique étant donnée l'urgence de la situation.

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