Pour la première fois depuis le déclenchement de la crise des dettes souveraines en Grèce, novembre 2009, l'Union européenne va s'adresser directement à d'autres États et à leurs fonds souverains. Norges Bank Investment Management (NBIM), qui gère le fonds norvégien (397,5 milliards d'euros), s'est d'ores et déjà porté candidat, selon l'agence Reuters.
Techniquement complexe et politiquement peu glorieux dans la mesure où les membres de la zone euro s'en remettent à l'épargne étrangère à défaut d'être solidaires entre eux, le projet esquissé ce week-end à Bruxelles permettrait de constituer un véritable pare-feu. La force de frappe «serait à la hauteur de l'Espagne et de l'Italie», estime Gilles Moec, économiste de la Deutsche Bank à Londres.
Le dispositif envisagé consistera à la fois à démultiplier les capacités du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et à mobiliser les capitaux des pays financièrement excédentaires. Au premier chef, la Chine et des pays émergents, mais aussi des économies avancées, comme la Norvège et le Japon. Ces derniers apporteront leurs contributions dans des trusts, administrés principalement par le FMI, lequel ne mettra pas lui-même au pot, nous précise-t-on.
Le FESF fort de ses 440 milliards d'euros, qui lui ont été confiés par les pays de la zone euro - l'enveloppe restera inchangée -, ne se contentera plus d'apporter sa garantie à l'émission de titres, comme il l'a déjà fait pour l'Irlande et le Portugal. Il jouera également le rôle de «rehausseur de crédit», selon un modèle utilisé aux États-Unis, pour le meilleur et pour le pire, en faveur des collectivités locales et des crédits immobiliers. Ce mode d'intervention reviendra à assurer un certain pourcentage des pertes possibles pour les souscripteurs de titres souverains. Un nouveau rôle pour le FESF: «Il était censé garantir des prêts, il garantirait ex post des pertes», explique Bruno Cavalier, économiste d'Oddo Securities.
Montage à plusieurs niveaux
Klaus Regling, le directeur du FESF, a été chargé d'établir un montage à plusieurs niveaux de façon à créer un effet de levier maximal. Selon la recette des holdings en cascade dans les groupes privés.
À un premier niveau seront constitués des fonds spéciaux alimentés en partie par le FESF, qui apporterait sa garantie, et par d'autres États. À un second niveau, on trouvera un fonds spécial purement européen impliquant des capitaux privés, toujours avec la garantie du FESF. Un troisième canal est envisagé, selon le même principe, mais cette fois les capitaux seront apportés par des États non européens, dans un «trust» administré par le FMI - ce que d'autres appellent un «véhicule spécial d'investissement». Notons que le FMI a une expérience de ce dispositif, à travers le Poverty Reduction and Growth Trust, qui a collecté 13 milliards de dollars en faveur des pays les plus pauvres.
Personne ne semble pour le moment en mesure de déterminer l'enveloppe exacte des financements qui pourraient être offerts. Sachant qu'il lui reste 250 milliards d'euros de capitaux disponibles, selon un diplomate, le FESF serait susceptible de mobiliser au moins cinq fois cette somme, sur la base d'un taux d'assurance de 20%. De nombreux points techniques restent à régler. En particulier l'implication d'un tel système sur les dettes des pays garants, dont la France et son «triple A».
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