TOUT EST DIT

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mardi 25 octobre 2011

Les variations incertaines de la liberté

Comment ne pas se réjouir de l’immense succès des élections en Tunisie ? Quand 90 % des électeurs se déplacent pour élire une assemblée constituante dans un pays qui n’a aucune tradition démocratique, ce n’est pas seulement un signe politique. C’est un élan irrépressible qui parle, forcément, aux héritiers de la Révolution de 1789 que nous sommes tous. Plus de deux siècles nous ont convaincus que l’expression de la volonté du peuple par le choix de ses représentants - et la conscience de détenir ce pouvoir - était bien l’un des socles d’une nation libre. C’est désormais un acquis. Contre tous les scepticismes.

La force de la participation dans le scrutin tunisien, celle-là même qui suscitait tant d’interrogations, apparaît comme la plus précieuse des victoires fragiles du printemps arabe. Mais l’admiration qu’elle suscite est ambivalente : à un niveau aussi élevé, elle va conférer une légitimité incontestable aux résultats sortis des urnes qui favorisent, comme prévu, le parti islamiste Ennahda. Peut-on vraiment se réjouir de cet épilogue et passer la défaite des mouvements laïques en pertes et profits au prétexte qu’elle est le fruit d’un vote libre ? Bien sûr que non, même si les droits des femmes ont été garantis par le mouvement victorieux tout au long de la campagne électorale, qui sait si la liberté n’accouchera pas d’entraves aux libertés ?

En Libye, la désillusion est bien plus grande encore. Tant d’efforts pour se débarrasser d’un tyran et entendre ses vainqueurs annoncer, le jour de la libération officielle du pays, que le modèle d’organisation juridique sera la charia ! Les pays occidentaux n’ont pas à regretter d’avoir contribué à sauver Benghazi, pourtant, mais la suite des opérations était-elle à ce point improvisée pour laisser derrière elle, et apparemment sans plus d’état d’âme, le risque d’un régime de type religieux où les opposants n’auront guère plus de droits que ceux qui résistaient au colonel mégalomane ?

Aveuglés par la manne pétrolière à récupérer, ni Paris, ni Londres, ni Washington n’ont vraiment réfléchi sérieusement à l’après-Kadhafi, préférant céder au romantisme oratoire d’une libération qu’on savait déjà prête à être confisquée par les combattants les mieux organisés. Il sera difficile pour la France de faire pression sur le Conseil national de transition - incapable de contenir les exactions contre les vaincus ! - en se contentant d’affirmer qu’elle sera « vigilante » sur « le respect des droits de l’Homme et les principes démocratiques ». De telles formules sentent tellement la résignation et l’impuissance diplomatiques…

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