TOUT EST DIT

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mardi 25 octobre 2011

"Guignols", le coup de vieux


Putain, vingt-trois ans ! Arrivés à l’antenne (sous le titre "Les Arènes de l’info") le 29 août 1988, quatre mois après la réélection de François Mitterrand, "Les Guignols" s’apprêtent à couvrir leur quatrième campagne présidentielle. Ceux qui accéderont au droit de vote en 2012 sont nés après que la parodie de journal télévisé animée par "PPD" a reçu ses deux premiers 7 d’or.Autant dire que l’affaire est techniquement rodée. De la réunion matinale des auteurs jusqu’au direct du soir, le rituel n’a pas varié. Habilleuses, costumières et accessoiristes s’affairent dans le bâtiment qui est réservé aux "Guignols", à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), où s’entassent quelque 350 marionnettes. En fin d’après-midi, marionnettistes et imitateurs enchaînent les répétitions à quelques centaines de mètres de là, au Studio104 de la Plaine Saint-Denis, sous la baguette d’Yves Le Rolland, producteur et grand ordonnateur de l’émission depuis 1995. Au rayon imitateurs, si Nicolas Canteloup (désormais sur TF1 à 20h35) a été discrètement remplacé depuis la rentrée, Yves Lecoq reste fidèle au poste – essentiel, puisqu’il assure en moyenne près de 70% des voix – qu’il occupe depuis l’origine. Bref, tout le monde est là. Y compris les téléspectateurs, que "Les Guignols" ont retrouvés en nombre (plus de 2 millions en moyenne, selon Canal+) depuis que leur diffusion a été avancée à 19h50, face à la pub qui précède la grand-messe des (vrais) JT.
La sextape des Guignols avec DSK en couverture.

La sextape des Guignols avec DSK en couverture.Studio Canal
Seul manque l’écho que suscitait jadis la même émission: le "Mangez des pommes !" de Jacques Chirac victorieux du "couille molle" (Edouard Balladur), la "boîte à coucou" de Johnny, les "tout à fait Thierry" et autres "Jean-Pierre Papin P.A.P. 1" avaient fait les beaux jours des cours de récréation comme des salles de rédaction. Autant de gimmicks qui datent, faute d’avoir été renouvelés. Le dernier DVD de l’année écoulée, La Sextape des Guignols (DSK en peignoir léopard, cigare à la main, sur la jaquette) fait parfois sourire, plus rarement rire.
Ceux qui travaillent quotidiennement sur l’émission le savent et en conviennent volontiers : "On n’est plus à la mode", concède Yves Le Rolland. Tout aussi sincères, les auteurs, Lionel Dutemple et Julien Hervé, arrivés en 1999, et Philippe Mechelen, qui les a rejoints en 2009, font le même constat.
Les explications avancées sont multiples. Primo, le trio d’auteurs de "l’âge d’or" du début des années 1990 (Bruno Gaccio, Benoît Delépine et Jean-François Halin) est a posteriori jugé "brillantissime". "Des orfèvres", estime Julien Hervé. Secundo, le contexte – médiatique et politique – est radicalement différent. Quand l’offre de programmes s’est multipliée, l’esprit "Guignols" – l’art de la dérision et de l’autodérision emblématique de la chaîne cryptée – s’est largement diffusé hors des frontières de Canal+. "Les Guignols ont ouvert une brèche. Tout le monde s’y est engouffré", souligne Lionel Dutemple. "On évite de regarder ou d’écouter les autres. Sinon ça pourrit la tête", ajoute Julien Hervé. "Il est plus difficile d’exister aujourd’hui alors que tout s’est 'guignolisé'", note un de leurs prédécesseurs, Alexandre Charlot.
Bernadette Chirac et son célèbre sac à main.

Bernadette Chirac et son célèbre sac à main.Canal+
La matière a également changé en vingt ans : "Au début, les hommes politiques étaient des espèces d’icônes qu’on voyait peu. Désormais, ils gavent le public d’images", souligne Yves Le Rolland. "On ne rit que de ce qui résiste. Or, le politique ne résiste plus beaucoup", analyse Olivier Mongin, directeur de la revue Esprit et auteur, en 2006, du livre De quoi rions-nous ? La Société et ses comiques, (Plon). Pour lui, "Les Guignols" s’apparenteraient aujourd’hui à "une espèce de Musée Grévin".
La hantise des "Guignols" est de se "bébête-showiser", à l’instar de l’émission de TF1 qu’ils avaient ringardisée peu après leur création. Ils n’en sont pas là. De nouveaux programmes, comme "Le petit journal", de Yann Barthès, ou, depuis la rentrée, la très vive série "Bref", également diffusée dans "Le grand journal" de Canal+, ont menacé de les démoder. Jamais de les détrôner. Quand souffle l’air du temps, les marionnettes d’Alain Duverne plient, mais ne rompent pas. Le latex a la peau dure.
Jean-Baptiste de Montvalon

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