TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 4 avril 2011

La France Maginot

De ces cantonales poussives seule Marine Le Pen, avenante et carnassière, sort à son avantage.

Sous sa tutelle, le Front national devient le premier haut-parleur du mécontentement populaire. Il reste le premier de ces partis tribuniciens qui, à droite et à gauche, asticotent les deux grands partis de gouvernement sans jamais être parvenus à les chasser du pouvoir. Dans le duel final d'une présidentielle, l'adversaire, quel qu'il soit, du FN aurait partie gagnée.

Nous en sommes encore là. Mais le Front national s'étoffe. Il sème à droite dans les sillons de l'antisarkozysme, à gauche dans les plates-bandes de la classe moyenne. Le Front national change de visage et aussi de génération, avec la fille succédant au père. Il change également en profondeur. Il laisse ses bottes au vestiaire. Cependant, son néonationalisme, moins sulfureux mais plus démagogue, veut sortir la France de l'Europe. Le FN moins dangereux ? Non, plus !

Le Front national se familiarise. S'efface dans l'opinion l'aura d'un parti contaminé par une extrême droite française qui sombra dans l'Occupation et l'antisémitisme. Pendant un demi-siècle, la dénonciation, chez le Front national, d'un "fascisme" rampant s'alimentait chez Jean-Marie Le Pen de l'à-peu-près révisionniste et de boutades de mauvais aloi. Mais 80 % de Français sont nés dans l'après-guerre...

Et surtout, Marine Le Pen ne cesse de gratter les "tags" du père."La Shoah, dit-elle,est un sommet de la barbarie", et non "un détail de la Seconde Guerre mondiale". Quant à l'opinion, elle ne voit pas qu'en cinquante ans le Front ait songé, dans la rue, à renverser la République. Il agit en parti dit républicain, acceptant les élections et leurs verdicts. En fait, l'opinion se lasse du microsillon rayé ressassant le péril "fasciste". Elle ne voit plus très bien pourquoi l'hygiène républicaine permet de fréquenter Besancenot et pas Marine Le Pen.

Cela dit, le Front national sent encore le fagot dans sa dénonciation des ravages de l'immigration. Il flatte ce courant d'opinion qui épouse les anxiétés ou fantasmes anti-islamiques de plusieurs populismes européens. Sur l'immigration, Marine Le Pen pose, disait Fabius à propos du père, de "bonnes questions". Mais ses réponses ne sont pas crédibles.

Car, si la direction du FN défend à bon droit les résistances laïques contre les prétentions minoritaires d'un islamisme militant, son refus obstiné d'une immigration nécessaire tourne à l'obsession xénophobe. Le FN refuse toujours cette évidence que "l'identité française" n'est pas un bloc défini et intangible, mais qu'elle n'a cessé et ne cessera d'évoluer au fil de l'Histoire. Il se monte le bourrichon en suggérant que 10 % de Français musulmans menacent la cohésion nationale des 90 % restants.

Il faut dire que la guérilla forcenée des sentinelles de la bien-pensance fortifie le Front national, tant sont insupportables les censures acides infligées aux esprits libres qui, sur l'islam ou l'immigration, ne pensent pas "dans les rails". Elles donnent des ailes à la "droite Zemmour". Et si les thèses simplistes du Front national reçoivent, hélas, de plus en plus d'adhésion, on mesure que l'anathème ne suffit pas pour les combattre.

Enfin, et surtout, le peuple français, recordman avéré du pessimisme, remâche une séquelle d'adversités : la crise économique, le chômage de masse, le risque nucléaire, le remue-ménage mondialisé, la couche d'ozone, le djihadisme, et j'en passe... Contre ces fatalités, le FN crie "Aux abris !". Il ouvre le sien.

C'est le néonationalisme ! Loin du libéralisme anti-étatique de son père, Marine Le Pen veut "un retour à l'Etat, composante essentielle de l'âme de la France". Elle se réclame d'une République patriote, qui prêcherait le social-étatisme d'un Mélenchon ou d'un Chevènement. Son slogan, c'est "Mort à l'euro, mort à l'Europe !".

Ce credo-là n'est pas, hélas, sans écho dans la gauche. Et au-delà, chez notre peuple devenu craintif, casanier et qui a peur du grand large. Déjà, d'autres nations européennes surendettées, qui, comme nous, vécurent au-dessus de leurs moyens, bronchent devant la diète. L'Europe, qui les sauva, devient le bouc émissaire de leurs misères.

Marine Le Pen, parlant, ces jours-ci, de son projet d'une France délivrée de l'Europe, m'évoquait étrangement la tentation de François Mitterrand. Lui aussi, à l'autre extrême, fut durant deux ans tenté d'installer sa "rupture d'avec le capitalisme" sur une navigation nationale et solitaire. Dans une France aux abois, il y renonça en 1983 afin de ne rompre "ni avec l'Europe ni avec l'Alliance atlantique"...

Marine Le Pen ne croit pas, elle, à la ruine - pour moi certaine - d'une France Maginot. Elle veut rallier les flageolants du sarkozysme. A moins, bien sûr, qu'elle ne mette, pour finir, du compromis dans son europhobie. Comme l'huile dans le vinaigre de papa.

0 commentaires: