Après l'arrestation de Laurent Gbagbo ce lundi, retour sur la crise, déclenchée par l'élection présidentielle ivoirienne le 28 novembre 2010 qui a dégénéré en guerre civile.
L'attente des résultats du vote plonge le pays dans la confusion, comme l'illustre cet incident: le 30 novembre, deux jours après l'élection, des représentants de Laurent Gbagbo au sein de la commission électorale empêchent l'annonce de résultats partiels à Abidjan. Cette crispation au sein de la commission retarde l'annonce des résultats; les partisans d'Alassane Ouattara accusent le président sortant de bloquer l'annonce avant le délai initialement prévu, le 1er décembre à minuit.
Les deux hommes revendiquent alors chacun de leur côté la victoire. Le 4 décembre, Laurent Gbagbo se fait investir président et son opposant prête serment "en qualité de président de la République". Le lendemain, après avoir reconduit comme Premier ministre Guillaume Soro, Alassane Ouattara forme un gouvernement. Son rival réplique en annonçant la nomination de Gilbert Marie N'gbo Aké au poste de Premier ministre.
Le 17 décembre, l'Union européenne (UE) appelle l'armée ivoirienne à se placer sous l'autorité de Ouattara et le président français Nicolas Sarkozy lance un ultimatum à Laurent Gbagbo: il exige son départ avant la fin de la semaine, sous peine d'être frappé par des sanctions de l'UE. C'est chose faite le 20 décembre: Laurent Gbagbo, son épouse ainsi que 17 proches (puis 59 fin décembre), sont privés de visas d'entrée en Europe. Le lendemain, ceux-ci sont interdits de voyager aux Etats-Unis.
Les avoirs de Laurent Gbagbo sont gelés le 6 janvier aux Etats-Unis, tandis que l'UE gèle les avoirs du président sortant et de 84 membres de son camp, le 14.
Dès lors s'engage une bataille entre les deux rivaux sur les leviers financiers du pays. Le 24 janvier, Alassane Ouattara ordonne l'arrêt des exportations de cacao dont le pays est 1er producteur mondial, espérant étrangler financièrement Gbagbo. En réaction, Laurent Gbagbo prend le contrôle de l'achat et l'exportation du cacao, le 8 mars.
Le 22 février Ouattara obtient le départ du gouverneur ivoirien de la BCEAO, proche de Laurent Gbagbo qui refusait de lui donner la signature au nom de son pays. Laurent Gbagbo ordonne alors la "réquisition" des agences en Côte d'Ivoire de la BCEAO, mais Alassane Ouattara réplique en annonçant leur "fermeture". Cette stratégie d'asphyxie finit par bloquer le système financier du pays.
Alors que la pression internationale sur Gbagbo s'accroît, Alassane Ouattara, prône, le 6 janvier, une action commando "non violente" de l'Afrique de l'Ouest pour chasser Laurent Gbagbo de la présidence. mais l'option d'une intervention militaire suscite des interrogations: "Qui est prêt à envoyer des troupes dans un centre urbain comme Abidjan ?", s'interroge un spécialiste nigérian du dossier. Mêmes réserves côté français: une opération militaire de la Cedeao pour chasser Laurent Gbagbo "ne peut être qu'un dernier recours que nous voulons absolument éviter" selon selon la ministre des affaires étrangères française Michèle Alliot-Marie, interrogée le 28 janvier.
Dans le même temps, l'Union africaine demande au Premier ministre kényan, Raila Odinga, de tenter de résoudre la crise politique, puis met en place un "panel" de chefs d'Etat sur la crise. Plusieurs navettes de la Cedeao et de l'UA se succèdent à Abidjan, en vain. Finalement, le 31 mars, le Conseil de sécurité des Nations unies vote à l'unanimité la résolution 1975 qui exhorte Laurent Gbagbo à se retirer et soumet le président sortant et ses proches à des sanctions.
Les partisans de Gbagbo s'en prennent aussi à l'ONU qu'ils accusent d'être favorable à Alassane Ouattara: Charles Blé Goudé, leader des "Jeunes patriotes" appelle, le 25 février, les jeunes à "s'organiser en comités pour empêcher "par tous les moyens", la force de l'ONUCI de circuler à Abidjan.
Au mois de janvier, les violences se propagent, en particulier dans l'ouest du pays, région la plus instable du pays, et à Abidjan, La situation se dégrade sérieusement en février et en mars. Après que des manifestants aient été tués par les Forces de Défense et de Sécurité (FDS), dans les quartiers d'Abobo, Koumassi, et Treichville, un "commando invisible" est formé dans les quartiers pro-Ouattara qui mène des embuscades contre les FDS.
Après la mort d'au moins six femmes, tuées par balles par les forces pro-Gbagbo qui dispersaient une manifestation à Abidjan, le 3 mars, l'ONU craint la "résurgence de la guerre civile" de 002-2003.
Des témoignages confirment l'instauration dans le Grand Abidjan d'une terreur milicienne, incarnée par les Jeunes Patriotes, qui, armés de gourdins et de machettes, dressent des barrages sauvages ou incendient maisons, échoppes et minibus. Dans le camp d'en face, l'ex-rebellion des Forces nouvelles (FN) qui durcit sa riposte, se livre elle aussi à des exactions.
Les agences humanitaires de l'ONU estiment que près d'un million de personnes ont du quitter leur domicile pour fuir les violences qui ont fait, depuis l'élection présidentielle du 28 novembre, des centaines de morts.
Le 28 mars, les FRCI lancent une grande offensive militaire, quatre mois jour pour jour après le début de la crise post-électorale. Ils progressent rapidement rencontrant peu de résistance, en raison des défections au sein de l'armée notamment, et atteignent Yamoussoukro, la capitale administrative le 30, puis Abidjan le 31. Mais les FRCI se heurtent à la résistance des partisans de Laurent Gbagbo dans leurs bastions d'Abidjan, livrée au pillageet aux violences. Le 4 avril, L'Onuci et la force française Licorne frappent les derniers bastions de Gbagbo, tirant sur des camps militaires et des batteries situées à la résidence et au palais présidentiel. Des négociations sont entamées avec Laurent Gbagbo pour demander sa reddition, mais malgré l'écroulement de son régime, celui-ci, retiré dans sa résidence du quartier de Cocody, s'y refuse.
Le 11 avril, en début d'après-midi, Laurent Gbagbo est arrêté par les forces d'Alassane Ouattara et conduit au Golf hôtel, QG du camp Ouattara dans Abidjan.
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