TOUT EST DIT

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dimanche 27 mars 2011

Zemmour-Ramadan

Il y a des gens avec qui l’on peut déjeuner, d’autres avec qui l’on signe des pétitions. La même semaine, on a appris que Nicolas Sarkozy déjeunait avec Éric Zemmour, tandis que Martine Aubry ne voulait pas signer avec Tariq Ramadan. Cela fonde une distinction, sur les limites que se fixent les hommes et femmes d’État.
Zemmour et Ramadan, c’est le même débat. Non pas sur la tolérance – il y a des maisons pour ça, et ce n’est pas l’Élysée. Mais sur l’acceptable. Il est des idées qu’on refuse, d’autres dont on peut discuter. La droite admet Zemmour et adhère, pour une part, à ses crépuscules contre l’immigration, la décadence, la législation antiraciste, et les trafiquants qui ne sont pas blancs. Le Monde nous le décrit apostrophant le chef de l’État sur ces Français qui fuiraient les villes pour échapper aux Noirs et aux Arabes. Vérification faite, Nicolas Sarkozy ne s’est pas levé de table. Il a parlé avec Éric Zemmour, condamné pour incitation à la discrimination. "Ton esprit de système te fait sauter des étapes", aurait lancé le président de la République au journaliste qui lui coupait la parole.

Il suffit. L’incapacité à dire "non", l’idée qu’un bretteur liant l’UMP et l’extrême droite puisse être un intellectuel ressource, les avancées de Claude Guéant, tout concorde. Une droite de l’identité nationale s’installe, de moins en moins distincte culturellement d’un Front national que Marine Le Pen "dénazifie" opportunément. La xénophobie n’est plus un obstacle. Et la stigmatisation des musulmans fait partie des opinions admises, qui ne vous mettent pas au ban de la société des chefs. On va devoir vivre avec ça.

L’affaire Ramadan est, à gauche, le pendant de l’affaire Zemmour. Tariq Ramadan, intellectuel islamiste couvé par l’Europe progressiste, est sorti de la banalité en 2003, publiant un texte d’une violence inédite, stigmatisant en raison de leurs origines des intellectuels –Kouchner, Finkielkraut, Lévy, Glucksmann– accusés de ne plus penser en intellectuels, mais en juifs. Cette affaire, jamais purgée, avait exclu Ramadan du possible pour la gauche démocratique. Huit ans après, le voilà sollicité pour une pétition en défense des musulmans, avec la fine fleur des gauches françaises. Signe des temps: ce qui était essentiel en 2003 – le refus de l’alliance islamiste et d’un antisémitisme "progressiste" –s’estomperait au profit des urgences de l’heure– ce que le pouvoir fait aux musulmans. Ramadan, réintégré à gauche? Jean-François Copé en salivait… La réaction de Martine Aubry et Laurent Fabius, retirant leur signature d’un texte qu’ils approuvaient, refusant qu’un théoricien islamiste soit leur commensal en indignation, n’est pas une censure apeurée. Elle est un rappel aux principes, et montre que, pour eux, toutes les barrières n’ont pas sauté. On vit moins mal ainsi.

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