Est-ce que le roi s’amuse, au moins, quand il transforme François Fillon et Jean-Louis Borloo en piètres lutteurs de cour, les épuisant au rythme de son hésitation?
L’étrangeté de Nicolas Sarkozy s’illustre à nouveau dans sa capacité à abîmer les meilleurs des siens, à les gâcher et à se gâcher lui-même; et dans son ambivalence, entre de vraies constances dont nul ne lui sait gré, et de vaines facilités qui finissent par le résumer.
En quelques jours, les deux Sarkozy sont illustrés de manière quasi clinique. Avec la Chine, le Président a tenu une ligne au mépris de sa popularité. Il ne s’agissait pas simplement de cynisme mercantile, mais d’un choix politique essentiel: ne pas perdre la Chine, dans le grand bargain international - monnaies, climat, G20. Cette obligation restera si la gauche revient: Dominique Strauss-Kahn est allé chercher un grand banquier chinois pour étoffer son staff au FMI, dans un geste tout aussi juste et politique que les honneurs rendus ici à Hu Jintao…
La tragédie chinoise – le courage incompris – est venue percuter la comédie du remaniement – le bon plaisir politicien. Fillon et Borloo s’enlisent, et dans un match organisé pour et par un seul homme. La pantomime fracture inutilement la majorité, et révèle un pouvoir doublement monarchique. Sarkozy semble un monarque capricieux, qui transforme la politique intérieure en rivalités de courtisans: Fillon invité à exprimer son désir du souverain, Borloo consolé d’une invite à l’accompagner dans l’Aube! Mais le Roi-Soleil est aussi un roi virtuel, tant il se fera imposer une politique: le tournant social de Borloo, qui prétend sauver le Président en le faisant abjurer sa droitisation; ou la rigueur maintenue de Fillon, qui admoneste l’homme qui doit le choisir – "on ne change pas de cap".
Par petites touches, c’est toujours une étrange République qui s’installe devant nous, quotidiennement. C’est le Parquet de Paris qui classe sans suite une plainte concernant des sondages commandés par l’Elysée à un ami du pouvoir: l’immunité présidentielle, apprend-on, "doit s’étendre aux actes effectués au nom de la présidence de la République par ses collaborateurs": il ne s’agit plus d’un Président préservé dans l’intérêt de sa fonction, mais d’une maison royale échappant par essence à la justice commune! Ce sont ces soupçons qui grandissent, sur l’utilisation des renseignements intérieurs pour surveiller des journalistes, et une défense du pouvoir qui attise encore le malaise: utiliser une "délégation parlementaire au renseignement", soumise par nature au "secret-défense" pour auditionner opportunément des grands flics, et prétendre ainsi purger les accusations dans le mystère et la confusion, c’est une manœuvre, ou un évitement.
Là encore, le pouvoir semble organiser sa protection, son intouchabilité. Il valide comme à plaisir les accusations de ses ennemis. On ne sait pas si Nicolas Sarkozy est l’organisateur de ces dérives. Il est certain qu’il en est la victime et, avec lui, tout ce qu’il porte de précieux.
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