« La France est, parmi les grands pays, celui qui a le plus régressé sur le plan industriel : depuis la fin des années 1990, la production a reculé de 10 %, l'emploi de 20 %. Sa part de marché dans le commerce mondial est passée de 6,5 % à 3,7 %. Le nombre d'entreprises exportatrices, de 110 000 à 91 000 (contre 245 000 en Allemagne et 200 000 en Italie...) » (1).
Après un tel constat, faut-il en rajouter ? Pourtant, encore une information : quand Singapour, au revenu équivalent, connaît une croissance de 18 %, la France n'arrive qu'à 0,6 %... En Asie, le taux de pauvreté commence à régresser dans les pays émergents. Il est à moins de 6 % en Malaisie, d'à peine 1 % à Taïwan contre13,4 % en France.
Pardon pour tous ces chiffres, mais ils permettent de prendre conscience du recul de notre pays en de nombreux domaines. Nous ne pouvons plus continuer à nous voiler la face, à donner des leçons au monde, tout en nous enfonçant, les yeux fermés, dans la spirale d'un déclin qu'il est pourtant urgent d'enrayer.
Or, que voyons-nous ? Des grèves qui, selon Michel Godet, « coûtent chacune 400 millions d'euros par jour, l'équivalent d'un bouclier fiscal au bout d'une journée et demie ». « Il faut arrêter cette histoire, ajoute l'économiste. La France est en train de se transformer en Grèce » (2). On ne peut donc pas croire une seconde que la grève puisse nous aider à freiner notre chute. Elle l'accélère et, au bout du compte, ceux qui tentent d'en sortir par ce moyen aggravent la situation du pays et donc la leur.
Quand on voyage un peu, ne serait-ce que quelques heures sur le port de Hambourg, par exemple, on est impressionné par l'activité incessante du deuxième port de conteneurs du monde. Il en traite 9 800 000, contre seulement 850 000 à Marseille.
Ne parlons pas de Rotterdam, qui totalise le même trafic que l'ensemble des ports français, en recul. Leur part de marché en Europe était de 17,8 % en 1989 pour 13,9 % en 2006. Nos ports, pourtant, sont en grève. À Marseille, plus de cinquante navires attendent en rade. Les clients ont le tournis : escales annulées, conteneurs détournés sur les ports étrangers du Nord, des centaines de millions d'euros perdus. Le raffinage français est en sale position. Du jamais vu depuis des années (3).
Inventer autre chose
Cependant, certains s'inquiètent: « S'il y a grève aujourd'hui, demain le trafic partira à Anvers, explique le secrétaire général des dockers de Dunkerque (3). Les 27 000 emplois créés par le port seront en péril. Nous travaillons avec notre cerveau pour retrouver les volumes perdus par le blocage de 1992. Faire la grève, c'est le plus simple, pas toujours le plus efficace. Si nous ne bloquons pas, c'est pour obtenir un meilleur avenir. On est à l'avant-garde depuis 1992, je pense qu'on a raison. »
Et pendant ce temps-là se poursuit la bataille pour enrayer la réforme des retraites, pourtant jugée nécessaire. Défilés, grèves n'ont rien d'illégal. Mais, vu l'état du pays, le blocage économique qu'on déclare vouloir lui imposer est désastreux dans ses conséquences.
De plus, voir des lycéens de15 ans afficher, comme slogan, « Ma retraite à 60 ans » en dit long sur leur mentalité : ignorance, inconscience, vieillis avant l'âge, illusionnés. Quel visage notre jeunesse présente-t-elle au monde ? Quel est son idéal ? Où est son dynamisme... ?
Avec la crise, la croissance, ici, semble vouée à une certainestagnation; empêchons-la au moins de diminuer encore. « Nos décisions de justice sociale ont été prises avec une croissance à 3 %, mais, avec 1 %, nous allons devoir inventer autre chose », a dit Marc-Olivier Padis, de la revue Esprit, hier, au colloque Mounier de Rennes.
Pour ne pas remettre en cause la justice sociale, « cette autre chose à inventer » nécessite non pas l'affrontement, mais le dialogue loyal et la coopération. Cette jeunesse n'est pas que cela. Il est important de rappeler, comme beaucoup de jeunes le savent, que leur avenir n'est pas d'abord dans la retraite, mais dans ce qu'ils construiront tout au long de leur vie.
Il convient également de dire que les assemblées générales, aussi participatives soient-elles, se mettent hors de la démocratie lorsqu'elles votent et appliquent le blocage d'un lycée, d'une entreprise, d'une gare, d'une route. La démocratie, c'est la liberté de parole, c'est le droit de grève, mais c'est aussi la liberté de circuler et le droit de travailler et d'étudier.
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