TOUT EST DIT

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mercredi 30 juin 2010

Rigueur

« Rigueur », cachez-moi ce mot que je ne saurais entendre, continue à dire François Fillon. Pourtant, la France, elle aussi, passe bel et bien aux travaux pratiques de la rigueur. À sa façon certes, tout à fait originale en Europe - graduelle et sans être nommée - mais somme toute bien réelle. Quand on affiche une réduction du déficit public de 40 milliards sur la seule année 2011, que l'on entend le ramener de 8 % de la production de richesse nationale (PIB), aujourd'hui, à 3 % en 2013, on affiche la couleur.

Mieux : quand on met bout à bout la réforme des retraites, le rabotage de plus en plus intensif des niches fiscales, la réduction mécanique des effectifs de fonctionnaires, la diète promise aux ministères, les multiples coups de canif au train de vie de l'État et les nouvelles ponctions annoncées à la Sécurité sociale, on en donne les recettes.

Ainsi, la France finit par tricoter une politique de rigueur qui n'a plus grand-chose à envier à nos grands voisins, sinon le fait d'être assumée. Mais avait-on le choix ? Face aux marchés prêts à dégainer des taux d'intérêt meurtriers pour le moindre élève laxiste de la classe européenne, face aussi aux institutions internationales (G20 en tête) qui battent le rappel général à l'ordre budgétaire, face encore à l'intransigeance rigoriste d'Angela Merkel qui impose le « la » de la discipline allemande en Europe, Nicolas Sarkozy ne pouvait s'offrir une partition en solo, et surtout pas suspecte d'être laxiste.

D'autant moins que la France s'illustre déjà, en Europe, par un endettement public cumulé record, sédimenté depuis trente ans par des gouvernements aussi inconséquents les uns que les autres. On en aurait payé le prix fort, économique - l'étranglement financier - et politique : la marginalisation européenne. Impensable pour un président français qui a de si solides prétentions de leadership.

On peut toutefois nourrir quelques doutes sur le réalisme de ce plan français de retour à une gestion publique équilibrée. Un peu trop subordonné à des mesures de pur symbolisme politique (la fin des chasses présidentielles à Chambord !) sans rentabilité financière évidente. Trop dépendant aussi du bon vouloir de la reprise : la prévision « ambitieuse » d'une croissance de 2,5 % en 2011 relève d'un volontarisme outrancier.

On doit surtout s'interroger sur les deux gros dangers que fait peser le choix d'une rigueur mal dosée. La grande crise des années 1930 nous enseigne que le recours prématuré à une politique de rigueur peut être dangereusement contre-productif, en brisant les reins d'une reprise balbutiante et fragile. Combinée à une perte du pouvoir d'achat déjà avérée un peu partout et à un moral des ménages durablement en berne, une politique budgétaire trop restrictive, ciblée notamment sur les classes moyennes, risque, aujourd'hui, de casser le moteur central de la croissance française: la consommation.

La forte mobilisation contre la réforme des retraites démontre aussi que les prochaines annonces douloureuses qui attendent les Français au front de la protection sociale - assurance maladie et dépendance - pourraient ne pas passer comme lettre à la poste. En tout cas, à défaut d'être, sans doute, suffisante, la condition nécessaire de leur acceptabilité minimale passe par les voies de l'équité, difficiles d'accès. Pas sûr que les efforts symboliques demandés aux ministres soient à la hauteur de l'enjeu.

Paul Burel

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