TOUT EST DIT

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lundi 14 juin 2010

Pure folie

Par nature, un divorce échappe à la raison. Ressentiment, ivresse du règlement de comptes, certitude absolue de devoir en finir avec la vie commune... Le sentiment d'exaspération balaie tout sur son passage. A ce moment précis, l'histoire du couple ne compte plus, ni ce qu'il a bâti, ni ce qu'il représente pour la famille à laquelle il appartient, ni l'intérêt des protagonistes. La pulsion de séparation l'emporte sur tout le reste.
L'Europe a armé pacifiquement le Vieux Continent contre les guerres militaires. Elle n'avait pas imaginé qu'une guerre conjugale puisse un jour miner un pilier de ses fondations. Voilà donc la Belgique déchirée par l'inextinguible querelle linguistique entre Flamands et Wallons, tentée par la partition ! Un scénario longtemps impensable et qui, la crise perdurant, apparaît de moins en moins inenvisageable. Dans les esprits en tout cas. La victoire des indépendantistes flamands aux élections d'hier active un cran supplémentaire dans l'engrenage qui inexorablement conduit à la rupture.
Pur fantasme électoral, mais le passage à l'acte serait pure folie. Après tout, depuis l'indépendance du pays en 1830, l'amour entre les deux communautés n'a jamais été fusionnel. Les mots acides de Jacques Brel dans « Les Flamingands » suffisent à prendre la mesure des vieilles rancoeurs et autres petits mépris ordinaires. Le royaume a toujours fait avec. Il a l'expérience des crises et des rabibochages : en 1930, puis dans les années 60, alors que flottait déjà l'envie de se quitter pour de bon, des lois fondamentales avaient trouvé les compromis nécessaires au vivre ensemble. Aujourd'hui, malgré les scènes de ménage répétitives, nombre d'obstacles politiques, techniques et institutionnels rendent quasiment impossible une éventuelle scission. A commencer par Bruxelles, capitale-rempart à la fois mixte et internationale : il faudrait que la Flandre y renonce pour prendre son indépendance. Autrement dit, un suicide !
Non, la Belgique ne risque pas de mourir d'éclatement ce matin. Elle pourrait, en revanche, succomber à petit feu à la paralysie qui la guette si elle ne parvenait pas à trouver la recette d'une nouvelle cohabitation. Les vexations qui accablent les Wallons vivant en Flandre prennent des proportions aussi inquiétantes que surréalistes. Au goût, mesquin, de la revanche contre l'hégémonie passée du français s'est ajoutée la remise en question des transferts de solidarité du Nord, flamand, vers le Sud, wallon, où le chômage est trois fois plus important. Un mur immatériel mais bien réel s'élève peu à peu entre les uns et les autres.
Cette régression, l'Europe ne peut plus en rester passivement spectatrice. Fermer les yeux devant les absurdités égoïstes des dérives régionalistes reviendrait à une capitulation historique.

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