TOUT EST DIT

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jeudi 22 avril 2010

Internet en Chine, le meilleur et le pire


Internet est devenu, en Chine, le seul espace public disponible, le lieu de tous les rêves, de toutes les ambitions. La révélation d'affaires, d'espionnage informatique hautement sophistiqué a braqué les projecteurs sur les méthodes, plus que douteuses, peut-être employées par l'État chinois en vue de pousser ses avantages politiques et industriels. Ce qui est frappant, c'est la prolifération des hackers chinois, leur sophistication, leur mise en réseau, leur capacité à se partager le travail pour frapper des cibles préalablement désignées.

À cet égard, j'ai été témoin d'une affaire caractéristique : dans la province du Shanxi, se sont constitués des réseaux bien protégés d'arnaque sur Internet (vente de marchandises inexistantes, par exemple). Pour appâter le client naïf, sont recrutés des jeunes des provinces les plus défavorisées qui, après un lavage de cerveau et une formation aux techniques d'amorçage, sont collés, jour et nuit, sur l'écran en quête de leurs proies. Rien ne leur est versé, mais on les berce de promesses de richesses à venir. Une mise en esclavage, en quelque sorte. L'un d'eux a pu récemment sortir du réseau mais, son nom étant compromis puisqu'il fut l'un des participants des fraudes commises, il n'ose pas déposer une dénonciation.

Encore un trait inquiétant de la prolifération d'Internet : la révélation d'abus réels ou imaginaires est devenue un sport national. On montre, par exemple, une vidéo de quelqu'un ayant torturé un animal ou commis un acte contre la civilité publique. On demande aux internautes d'aider à identifier cette personne. Une fois son nom connu, on multiplie les accusations et, presque automatiquement, la personne se trouve licenciée et, le plus souvent, obligée de déménager.

Internet peut être un lieu de dépendance, d'exploitation et de persécution, mais cela ne doit pas occulter le rôle fantastique qu'il joue dans la formation de la société civile chinoise. Les opinions peuvent être exprimées, échangées, discutées, les nouvelles peuvent circuler plus librement qu'ailleurs. Des scandales commis par des cadres y ont été dénoncés à juste propos etles internautes ont pu, à maintes reprises, faire reculer le gouvernement. La censure n'y peut rien : les Chinois s'arrangent pourlire les sites interdits et apprennent à décrypter toutes les nouvelles.

Un véritable bras de fer s'est engagé entre gouvernement et population. Les autorités veulent que des logiciels pirates soient automatiquement installés sur les nouveaux ordinateurs ; elles interdisent désormais l'enregistrement d'un site par un individu n'agissant pas au nom d'une organisation ; elles emploient une armée de mercenaires pour intervenir sur les forums... Mais ces manoeuvres restent, pour l'instant, impuissantes à instaurer un véritable contrôle idéologique.

Internet contribue donc puissamment à rendre la classe moyenne chinoise consciente de son identité et de sa puissance. Si c'est l'esprit de ressentiment, d'égoïsme et de lucre qui prédomine, Internet ne sera jamais le vecteur d'une véritable civilité. Aux organisations sociales, religieuses et culturelles de l'utiliser au mieux pour qu'il soit le véhicule d'une Chine qui puisse débattre paisiblement avec elle-même et avec le monde.

(*) Institut Ricci, Taipei.

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