TOUT EST DIT

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mercredi 17 mars 2010

"Les banques créent des besoins que les clients n'ont pas"

Christine Lagarde vient de commander un rapport sur les tarifs bancaires à l'ancien patron du Crédit Agricole, Georges Pauget. La réaction de Marie-Anne Jacquot, porte parole de l'AFUB (Association Française des Usagers de Banque).`

Georges Pauget vient d'être nommé par Christine Lagarde pour remettre un rapport sur les tarifs bancaires. Que pensez-vous de cette nomination ?

Nous sommes bien sur un peu sceptiques à l'égard de cette nomination. Certes, Georges Pauget est un homme du sérail qui a l'avantage de bien connaître son sujet. Néanmoins, il y a un pendant à cette nomination : le risque de corporatisme. Jusqu'à présent l'ancien président de la FBF et du Crédit Agricole SA n'a pas fait preuve d'une grande modération lorsqu'il s'agissait de tarifs bancaires. Le risque est donc que ce rapport conduise à l'adoption de mesures sans grande efficacité, comme à chaque fois que l'on tente de réguler les tarifs bancaires.

Christine Lagarde cite notamment sur un rapport remis par la Commission européenne, selon lequel la France serait en 3ème position des frais bancaires les plus élevés. Comment expliquez-vous ces chiffres ?

Il est difficile de les expliquer étant donné que la transparence n'est pas le point fort des banques. Depuis l'année dernière, obligation est faite aux banques d'envoyer chaque année un récapitulatif des frais prélevés à ses clients. Mais cela ne signifie que la composante de ces frais soit connue. Elaborés entre banquiers, les tarifs et frais de commissions bancaires sont construits dans la plus grande opacité. Dans cette situation, les tarifs ne peuvent baisser. Sans concurrence réelle entre les banques, il n'y a en effet aucune raison pour qu'elles baissent leurs prix.

Lire aussi : tarifs bancaires trop chers, les banquiers ont-ils raison de protester

Christine Lagarde s'attache particulièrement aux "frais en cascade", aux "services gratuits qui sont devenus facturés" et aux "packages"...

C'est en effet un autre problème récurrent. Les banques sont guidées par un appétit tarifaire sans limite. Elles multiplient les frais de commissions dans des proportions inimaginables. Illustration, les personnes qui font appel à l'AFUB se font prélever en moyenne entre 5 et 15% de leur salaire mensuel par les frais bancaires. C'est impensable, surtout lorsque l'on sait que ces frais font l'objet d'un prélèvement avant facturation. Par ailleurs, les banques ne respectent pas leurs engagements en matière de gratuité. En 2004, elles s'étaient engagées à ne pas facturer un certain nombre de services comme le retrait d'espèces en agence ou encore la mise à disposition de chéquiers. Mais elles sont peu nombreuses à suivre ces promesses.

La consommation française en matière de services bancaires est-elle différente des autres pays ?

C'est l'un des arguments avancé par les banques pour expliquer le montant de leurs frais. Elles estiment que les Français sont très friands de services bancaires et qu'ils bénéficient de nombreuses agences, de l'interbancarité... Cela est vrai. La France fait partie des pays les plus bancarisés au monde. Ce n'est pourtant pas la faute des consommateurs si le réseau est si dense, mais plutôt celle des banques qui répercutent le prix de leur appareil industriel hypertrophié sur les clients.

Aujourd'hui la clientèle demande seulement à avoir une offre qui réponde à sa demande. Ce qui n'est pas vraiment le cas quand les banquiers tentent par tous les moyens de leurs vendre des packages, aux services multiples, dont ils n'ont pas besoin. En réalité, c'est bien les banques qui créent des besoins que les clients n'ont pas. Dans certains établissements, des clients se font même parfois clôturer leurs comptes car ils ne consomment pas suffisamment...

Comment expliquez-vous que seulement 4% des Français changent de banque chaque année?

En la matière, on ne peut pas nier qu'il y ait eu une certaine amélioration législative. La nouvelle réglementation a en effet rendu plus facile la mobilité bancaire. Mais deux problèmes fondamentaux demeurent. Il est très difficile de quitter une banque dans laquelle on a un emprunt immobilier. Les modalités restent particulièrement lourdes. Ensuite, les usagers n'ont pas une connaissance suffisante des tarifs pratiqués dans chaque banque pour vouloir changer d'établissement. Pour cela, il faudrait que les banques fassent de la publicité sur ces frais et commissions, et non pas seulement sur les taux d'intérêt. Mais justement, elles n'y ont aucun intérêt !

Quelles sont vos propositions pour mettre en place une régulation durable? Faut-il par exemple plafonner ces tarifs ?

Non, pas nécessairement. Encore une fois il faut faire jouer pleinement la concurrence afin que le marché se régule de lui-même. Pour ce faire, une chose est essentielle : la véritable transparence. Il faudrait instaurer une publication périodique du panier du client de banque. Sur une dizaine ou quinzaine de services les plus courants, les établissements bancaires seraient classés en fonction de leurs tarifs. Aujourd'hui il existe des palmarès, réalisés par les médias et des acteurs privés, mais ils se basent toujours sur des profils et non sur des services. Par exemple, pour un jeune couple, il vaut mieux être à la BNP qu'au CIC où l'inverse. Mais ce que les clients veulent savoir avant tout, c'est combien coûte la carte bancaire ou le virement dans telle ou telle banque...

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