TOUT EST DIT

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mercredi 17 mars 2010

«La victoire de la gauche ne doit pas passer par l'abstention»

La mondialisation néolibérale comme l’évolution de la société française marquée par l’épuisement du modèle républicain et laïque ont été absents des débats. Pour Chistophe Guilluy, géographe, il n'y a pas à chercher plus loin dans l'abstention.

Que retenir de ce premier tour ?

Christophe Guilluy : A presque 54 % d’abstention, le sujet le plus évident est que cette élection s’est faite sans le peuple : 23,5 millions d’électeurs ne se sont pas déplacés. Ce niveau avoisine le double de celui observé lors de l’élection présidentielle de 2007. Dés lors une question s’impose : est ce que cette dynamique va devenir le modèle ? Si l’on exclut le suffrage très suivi de 2007 grâce à la stratégie de Nicolas Sarkozy, les classes populaires ne se déplacent plus pour voter.


On objecte souvent qu'il ne s'agit que d'une élection Régionale ?

Oui, c’est vrai. C’est exactement le type d’élection dont les gents se détournent. Les thématiques abordées comme les programmes sont par nature consensuels : tout le monde est écologiste. Faire le distinguo entre les propositions de Jean-Paul Huchon et de Valérie Pécresse relève de la chirurgie de précision : toutes les thématiques qui y sont abordées sont transversales. Il n’y a pas de sujet clivant, et au fond, tout le monde se contrefout d’un couloir de bus ou pas de couloir de bus. Quand on gagne 800 euros par mois, on ne se déplace pas pour se prononcer sur des couloirs de bus. On attend que les politiques abordent des sujets qui sont sur le disque dur. En ce sens, l’abstention est rationnelle.

Le disque dur ?

Le fond : la mondialisation néolibérale, l’évolution de la société française marquée par l’épuisement du modèle républicain et laïque. La réussite de Nicolas Sarkozy en 2007 était bien d’avoir fait croire, notamment dans les classes populaires qu’il pouvait rompre avec ces deux dérives. Cette stratégie a montré ses limites dans l’action, dans la réalité. Comme pour les élections européennes, les territoires qui n’ont pas voté sont ceux où vivent les classes populaires. C’est là que l’on trouve les perdants de la mondialisation, les laisser pour comptes de la « modernité ». Face à eux l’offre politique s’est unifiée et du coup s’est raréfiée. Tant que les partis de gouvernement ne sont pas prêts à remettre en question cette donne qui leur est absolument défavorable, les élections sans le peuple sont en passe de devenir le modèle.

Si l’avenir de la gauche passe par l’abstention, ce n’est qu’une victoire à la Pyrrhus

Mais alors, que pensez du vote FN ?

A mon sens, le Front national a une influence réelle au sein des classes populaires. Elle est plus importante que ce qu’en révèle le scrutin. Pour en apprécier l'impact réel, il faudrait doubler son score, car il est le plus mordant dans les classes populaires. Le parti des Le Pen n’a pas disparu, il n’était que caché par Nicolas Sarkozy. Qu’on le souhaite ou pas, qu’on s’en inquiète ou pas, la campagne du FN contre « l’islamisation » et la mondialisation a fonctionné. Du coup, la combinaison abstention plus vote FN constitue un positionnement fort de l’électorat contre les partis de gouvernement.


Pourtant, la gauche a gagné, non ?

Doit-elle s’en réjouir ? Faire un résultat quand les couches populaires ne vont pas voter, quelle victoire, en effet !!! Dans les centres urbains elle a fait le plein. Ainsi dans l’hyper-centre parisien dans le 4ème arrondissement, la gauche a-t-elle fait des résultats exceptionnels : 31 % pour la liste Huchon, 23% pour les Verts, et même 9% pour le Front de gauche, cela donne 63 % ! Si l’avenir de la gauche passe par l’abstention, ce n’est qu’une victoire à la Pyrrhus. Pis si le seul avenir de la droite c’est Nicolas Sarkozy version 2007, là aussi il y a un mur. Il ne pourra pas rejouer le même coup, le monsieur capable de renverser la table.
Il y a ce que l’on voit, les soirées électorales, et ce que l’on ne voit pas, les effets de la mondialisation néolibérale et l’émergence d’un modèle multiculturaliste en décalage avec le modèle républicain classique. Si le modèle, ce sont des partis qui n’abordent pas ces questions, l’expression populaire se jouera en dehors des urnes. C’est déjà le cas et cela s’exprime tant au travers d’actions individuelles, comme les choix résidentiels (recherche des meilleures écoles, d’un environnement choisi , évitement de certains quartiers), comme au sein de l’entreprise où les gents s’organisent en dehors des organisations syndicales.

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