TOUT EST DIT

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mercredi 31 mars 2010

Boomerang fiscal

Destiné à empêcher qu'aucun contribuable ne verse plus de la moitié de ses revenus au fisc, le bouclier fiscal est le symbole par excellence du sarkozysme en matière économique et sociale. Grâce à cette mesure, présentée dès le 20 juin 2007 dans le cadre du premier projet de loi du quinquennat, le nouveau président entendait donner un contenu concret à ses engagements de campagne : "travailler plus pour gagner plus", "briser le tabou de l'argent" pour créer un "choc de confiance et de croissance" et faire enfin baisser le niveau des prélèvements obligatoires en France.
Dix jours après la lourde défaite de l'UMP aux élections régionales, c'est ce totem très encombrant qui est désormais remis en cause. Les critiques n'avaient certes pas manqué, depuis trois ans. Elles venaient évidemment de la gauche, mais aussi de voix de moins en moins isolées à droite : dès 2007, le centriste Pierre Méhaignerie ou l'UMP Charles de Courson s'étaient inquiétés ; en 2008, les sénateurs Jean Arthuis et Philippe Marini, relayés par le président (socialiste) de la commission des finances à l'Assemblée, Didier Migaud, avaient proposé d'aménager ou de suspendre le dispositif ; en 2009, l'ancien premier ministre Edouard Balladur et le président de la Cour des comptes Phillipe Séguin s'étaient joint à eux. A chaque fois, le président de la République avait sèchement rappelé son engagement cardinal : je ne serai pas le président des hausses d'impôt.

Désormais, la bronca tourne à la fronde, conduite par les caciques : le président du groupe UMP du Sénat, Gérard Longuet, estime que l'on ne peut plus éluder la question de "recettes nouvelles" et de leur équitable répartition ; Jean-François Copé, son homologue de l'Assemblée - et inventeur du bouclier fiscal en 2006 - admet que sa "religion n'est pas totalement définitive sur le sujet". Et, pour faire bon poids, l'ancien premier ministre Alain Juppé ajoute : "Ça ne me choquerait pas qu'on demande aux très riches de faire un effort de solidarité supplémentaire vis-à-vis de ceux qui souffrent dans la crise."

Tout est dit : pour faire face à la crise économique et à l'ampleur alarmante des déficits publics, l'Etat ne pourra se contenter de limiter ses dépenses ; il devra également, d'une manière ou d'une autre, augmenter ses recettes, donc les impôts et prélèvements. Pour bon nombre de responsables de la majorité, il apparaît politiquement impensable d'exonérer les plus riches (les quelque 19 000 bénéficiaires, en 2008, du bouclier fiscal) de cet effort supplémentaire. Bref, ce qui était souhaitable en 2007, dans la perspective d'une croissance vigoureuse, est devenu indéfendable.

Pour Nicolas Sarkozy, qui recevait ce 31 mars les parlementaires de la majorité, le choix est crucial. Soit il refuse de céder à la pression et maintient son cap envers et contre tous, au nom de ses promesses initiales. Soit il y cède et c'est alors sa parole et son autorité qui sont dangereusement fragilisées. On espère que, au courage de l'entêtement, le chef de l'Etat saura opposer celui de la lucidité. Pour lui-même et pour le pays.

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