TOUT EST DIT

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mardi 8 décembre 2009

Le "Climategate" sème la discorde à Copenhague

Le piratage informatique de la correspondance privée de quelques climatologues de renom parviendra-t-il à faire capoter les négociations de Copenhague ? La question se pose depuis que le "Climategate" a été, lundi 7 décembre en conférence plénière, brandi par Mohammed Al-Sabban, le chef de la délégation saoudienne. "Le niveau de confiance est affecté", a-t-il ainsi déclaré, faisant référence aux travaux des climatologues, synthétisés par le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC). M. Al-Sabban a en outre demandé la tenue d'"une enquête internationale et indépendante" sur cette affaire.
Celle-ci "prouve que certains sont prêts à verser dans l'illégalité, peut-être pour discréditer le GIEC, a de son côté rétorqué son président, l'Indien Rajendra Pachauri, en ouverture de la conférence climat. "Mais notre panel dispose d'un historique d'évaluations transparentes et objectives sur plus de vingt et un ans, établies par des dizaines de milliers de scientifiques de tous les coins de la planète."

L'affaire enflamme littéralement la blogosphère depuis fin novembre. Quelques semaines avant l'ouverture des négociations de Copenhague, un ou des pirates informatiques pénètrent dans les serveurs de l'unité de recherche climatique (CRU) de l'université d'East Anglia (Royaume-Uni). Ils y récupèrent frauduleusement de nombreux documents ainsi que les archives de treize années d'échanges de courriels entre les scientifiques du CRU et leurs collègues américains et européens ; une soigneuse sélection d'un millier de ces messages environ est exposée sur le Net le 19novembre.

Les messages exposés suggèrent que certains climatologues ont tenté d'entraver la publication de travaux "climato-sceptiques" qu'ils jugeaient indigents. De même, cette correspondance met au jour la volonté d'un scientifique de ne pas partager certaines données brutes avec le reste de la communauté scientifique. Pour la blogosphère "climato-sceptique", certains messages montrent en outre que leurs auteurs manipulent leurs résultats.

Un unique message, remontant à 1999, pouvait être interprété comme une tentative de corruption de données. Dans celui-ci, Phil Jones, directeur du CRU, explique avoir eu recours à une "astuce" pour "masquer le déclin de températures". Sortie de son contexte, la phrase peut faire entendre que la température moyenne terrestre établie par le CRU a été artificiellement rehaussée. M.Jones a expliqué avoir utilisé le terme "astuce" dans un contexte familier pour corriger une divergence, bien documentée entre l'épaisseur de cernes d'arbres et les températures à en déduire…

DOCUMENTS DÉROBÉS

Pour autant, M. Jones s'est mis temporairement en retrait de ses fonctions pendant la durée d'une enquête indépendante, qui doit rendre ses conclusions au printemps. Sans attendre celles-ci, la revue britannique Nature, l'une des plus vénérables institutions scientifiques, qui a publié les travaux de certains climato-sceptiques, consacrait à l'affaire son éditorial du 3 décembre.

"Les négateurs", ironise la revue, qui reprend cette terminologie à son compte pour la première fois, pensent détenir la preuve "que les climatologues du courant dominant ont systématiquement conspiré pour supprimer les éléments contredisant leur doctrine selon laquelle les hommes réchauffent la planète". "Cette interprétation paranoïaque serait risible si des politiciens obstructionnistes du Sénat des Etats-Unis n'allaient probablement l'utiliser l'an prochain pour étayer leur opposition à la nécessaire loi sur le climat", poursuit Nature.

L'enquête lancée par la police britannique ne portera sans doute pas ses fruits avant l'issue des négociations, mais de premiers éléments techniques sur le piratage, à prendre avec précaution, sont d'ores et déjà dans le domaine public. Une intrusion dans les serveurs de l'université d'East Anglia a sans doute eu lieu le 12 novembre – les documents dérobés les plus récents étant datés de ce jour.

Le 17 novembre au matin, les fichiers volés étaient frauduleusement mis en ligne sur le blog "RealClimate", tenu par un groupe de climatologues proche des scientifiques du CRU. Selon le climatologue Gavin Schmidt (Goddard Institute for Space Studies), qui administre le site, l'adresse IP (Internet Protocol) de la machine ayant déposé le fichier sur RealClimate.org est enregistrée en Turquie.

Un peu plus tard, un internaute poste un message sur "Climate Audit", célèbre blog "climato-sceptique", annonçant qu'"un miracle a eu lieu" et publiant un lien pointant vers les fichiers discrètement déposés quelques heures auparavant sur "RealClimate"… Selon Stephen McIntyre, qui édite "Climate Audit", l'internaute ayant posté le message en question opérait depuis une machine installée à Nijni-Novgorod, en Russie…

Ce n'est pas tout. Lorsque Gavin Schmidt remarque que des fichiers ont été frauduleusement déposés sur son site, il les en ôte. Deux jours plus tard, c'est un lien déposé sur un autre blog "climato-sceptique" posté depuis une adresse IP cette fois enregistrée en Arabie saoudite et pointant vers les mêmes fichiers, stockés cette fois-ci sur un serveur basé en Russie. Selon le Mail on Sunday, ce serveur se trouverait à Tomsk, en Sibérie occidentale.

"Cela ne donne pas la localisation des pirates, explique M. Schmidt. Ils ont apparemment utilisé des “proxies ouverts” [ordinateurs pouvant servir de relais] basés dans ces pays pour masquer leur véritable localisation."

Reste désormais à savoir si les autorités de deux pays gros exportateurs d'hydrocarbures, la Russie et l'Arabie saoudite, collaboreront de bonne grâce à l'enquête britannique en cours pour remonter vers les commanditaires du piratage…
Stéphane Foucart

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