TOUT EST DIT

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jeudi 26 novembre 2009

Polanski attendra la décision américaine dans son chalet

Emprisonné depuis exactement deux mois à Zurich, le cinéaste Roman Polanski, 76 ans, devrait passer Noël à la montagne, en résidence surveillée dans son chalet de Gstaad. Mercredi 25 novembre, le Tribunal pénal fédéral (TPF) de Bellinzone (Tessin) a accédé à la demande de remise en liberté conditionnelle, déposée par ses avocats le 3novembre. Me Georges Kiejman s'est du reste déclaré "très heureux" de cette décision, qui lui "paraît naturelle".
C'est une caution de 4,5 millions de francs (3 millions d'euros), offerte par le cinéaste franco-polonais, qui a convaincu les juges que le risque de fuite était amoindri, quoique toujours qualifié d'"élevé". "La Cour a estimé que ce montant représentait une part substantielle de la fortune du recourant et que, vu l'âge avancé de celui-ci, il n'était pas certain qu'il ait à nouveau la possibilité d'accumuler une telle somme, en cas de perte de la caution", dit le TPF.

L'Office fédéral de la justice (OFJ), dirigé par la ministre Eveline Widmer-Schlumpf, avait dix jours pour s'opposer à la décision du TPF. Cette dernière n'a pas attendu. Dans la soirée du 25 novembre, la ministre a indiqué que "le Tribunal a pris cette décision en toute connaissance de cause et en pesant tous les éléments. Il est arrivé à la conclusion qu'il n'y a pas de risque de collusion, ni de fuite si M. Polanski reste à Gstaad, plutôt qu'en prison, dans l'attente de l'examen de la procédure d'extradition. Je pense que cette solution est tout à fait envisageable".

BRACELET ÉLECTRONIQUE

Polanski, accusé d'avoir eu des relations sexuelles avec Samantha Geimer, une fillette de 13 ans, en Californie en 1977, a été arrêté en Suisse le 26 septembre à la demande des Etats-Unis qui demandent son extradition pour le juger. Le cinéaste devrait être assigné à résidence, dans les prochains jours, dans la station huppée de Gstaad, muni d'un bracelet électronique relié à la police, et privé de ses papiers d'identité.

Le 19 octobre, en l'absence de telles garanties, une première demande de remise en liberté avait été refusée par le TPF. Le ministère de la justice répétait depuis des semaines que dans ce genre de cas, une remise en liberté était "exceptionnelle". Pourquoi un tel retournement de situation ? Folco Galli, porte-parole de l'OFJ, répond au "Monde" que, outre la caution proposée, "les juges ont tenu compte du fait que Polanski, une fois extradé aux Etats-Unis, risquait une peine maximale de deux ans, et non de cinquante ans comme cela avait dit au départ, ce qui réduit le risque de fuite".

Cet épisode ne préjuge en rien de la suite de la procédure. Le 22 octobre, une demande formelle d'extradition a été envoyée par les Etats-Unis à Berne. Les avocats de Polanski "ont été invités à faire leurs observations auprès de l'OFJ qui doit ensuite rendre une décision", explique M. Galli. Quand ? Il ne donne aucune date. Mais à en juger par le zèle avec lequel la Suisse a répondu aux sollicitations de la justice américaine, Berne devrait extrader Polanski.

Deux scénarios se dessineront alors : soit le cinéaste y consent, et cette "procédure simplifiée d'extradition" arrangerait pas mal de monde en Suisse – elle a le mérite de la rapidité et le "prisonnier" est encombrant. Soit Roman Polanski fait appel, d'abord devant le Tribunal pénal fédéral, puis, en ultime recours, devant le Tribunal fédéral à Lausanne. Ces procédures pourraient alors durer quelques mois.

Polanski n'a pas dévoilé sa stratégie. Ses avocats américains, dans un communiqué du 20novembre, ont fait savoir qu'ils sont les seuls habilités à parler au nom du cinéaste dans cette affaire, avec leur collègue suisse Lorenz Erni. Ce dernier ne s'exprime pas. Les avocats américains visaient sans doute l'avocat français Hervé Temime, qui, dans un entretien récent au "Figaro", affirmait que son client n'accepterait pas d'être extradé.

Roman Polanski, encore plus maintenant, devrait opter pour la bataille juridique. En faisant traîner la procédure, il espère purger l'essentiel de sa peine en Suisse.

MANQUEMENTS À L'ÉTHIQUE PROFESSIONNELLE

S'il est extradé, Roman Polanski comparaîtra devant un tribunal de Los Angeles, qui doit lui signifier sa sentence, sur le seul chef d'inculpation retenu à l'époque des faits, de "relation sexuelle illégale avec une mineure".

La peine encourue, comme il est spécifié dans la demande d'extradition américaine, est de deux ans. Mais en 1978, le juge Rittenband, aujourd'hui décédé, n'avait requis que 90 jours de détention. Polanski avait alors passé 42 jours à la prison de Chino (Californie). Si on y ajoute les mois de détention passés en Suisse, le cinéaste aura largement dépassé le temps d'incarcération prévu initialement.

Le juge Peter Espinoza, qui pilote aujourd'hui le dossier, a reconnu que la procédure d'instruction à l'époque avait été entachée de manquements à l'éthique professionnelle. Ces manquements, qui ont dû jouer dans la décision de Polanski de fuir les Etats-Unis il y a plus de trente ans, sont exposés dans le documentaire de Marina Zenovich, Polanski: Wanted and Desired, qui vient de sortir en DVD. Les irrégularités sont même dénoncées, dans le film, par le procureur de l'époque ainsi que par l'avocat de la victime de Polanski.

"Il est difficile de contester que certains actes, montrés dans ce film, ne sont pas irréguliers", confirmait M.Espinoza à l'audience du 17 février, apparemment sensible aux arguments des avocats de Polanski. Néanmoins, le juge Espinoza a refusé de classer la plainte, en raison de l'absence du cinéaste. Les avocats américains de Polanski ont aussitôt fait appel de cette décision. Une audience est prévue le 10 décembre à Los Angeles, devant une cour d'appel et un autre juge.

L'absence du cinéaste compromet ses chances d'obtenir un classement définitif de la plainte, mais l'audience, très attendue, va permettre aux avocats de Polanski de remettre sur le devant de l'actualité les vices de procédure et les atteintes aux droits du prévenu dont il aurait été la victime.
Agathe Duparc et Claudine Mulard

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