TOUT EST DIT

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samedi 24 mai 2014

Hollande en voiture à Tulle : de la normalité à l'insignifiance

Pourquoi toutes les effervescences politiques, sociales, culturelles et médiatiques ne parviennent-elles pas à composer un paysage structuré et cohérent où nous pourrions trouver un sens, un monde qui n'interdirait pas l'espérance et permettrait encore de croire à l'action, à la possibilité pour les énergies, les bonnes volontés, les épris d'intégrité et de morale de modifier le cours des choses, les apparentes fatalités du délitement généralisé?
Pourquoi l'univers est-il au fond moins désenchanté que nous-mêmes qui considérons ce qui nous advient et nous menace avec une sorte de résignation accablée, un scepticisme qui en sait long et, au pire, avec une dénonciation sarcastique et impuissante?
Il me semble que, si on veut bien réunir l'infiniment petit au profondément sérieux, le malaise provient du sentiment, de l'impression de ridicule et de simulacre qui se dégagent de l'ensemble de ces péripéties, surtout quand elles tentent de masquer la comédie des joutes sous une feinte gravité, les gesticulations inutiles derrière un sérieux de convenance.

Les élections européennes n'ont passionné personne et le taux de l'abstention démontrera sans doute que l'idée de l'Europe n'est plus seulement un beau concept dégradé mais crée comme une répulsion tant l'invocation abstraite des mérites européens n'a pas cessé de se briser sur la bureaucratie tatillonne et l'autarcie rassurante et frileuse des Etats. Comme si l'inefficacité était moins douloureusement perceptible dans le champ national que dans l'espace plus vaste de nos rêves lointains.
Sans préjuger imprudemment, on peut tout de même tenir pour acquise une défaite socialiste et sans doute un accroissement substantiel du FN avec l'UMP tout près de lui ou même juste devant. Cette configuration, à elle seule, manifeste l'absurdité d'une approche qui privilégie un parti refusant l'avenir européen et ne fait pas perdre ses chances à un autre le plébiscitant. Il y a aussi des indices minuscules, des ridicules révélateurs, des comportements signifiants qui projettent sur la France une ombre peu propice aux exaltations de l'âme et de l'esprit. L'ancien président de la République a écrit une tribune de cinq pages qui ne nous apprend rien de nouveau sur sa conception de l'Europe puisque, comme cela a été souligné, il nous avait déjà tout dit lors de la campagne de 2012 entre les deux tours. Il paraît qu'il convenait d'interpréter son propos récent comme la volonté de faire rempart au FN. Ce serait amusant si le sujet n'était pas préoccupant. Etrange barrage que celui qui a laissé passer par démagogie, auparavant, tout ce qui était de nature à amplifier la vigueur de ce parti qu'on prétend combattre! Cette tribune n'avait pour finalité que de rappeler à ceux qui auraient pu oublier Nicolas Sarkozy qu'il était toujours là. Son ostensible discrétion cache mal qu'il ronge son frein et son ambition personnelle n'est pas occultée par le fait qu'il nous offre sa parole sur tel ou tel thème fondamental. Il votera d'ailleurs par procuration. Après avoir fait un petit tour par écrit, il accompagnera sa chanteuse d'épouse en Israël. Bernard Tapie reprend l'un de ses rôles préférés - non pas celui de savoir convaincre de la nécessité d'un arbitrage en sa faveur - mais de héros de l'offensive contre le FN. Il met en garde les électeurs de ce parti, cherche à les convaincre que la France ne pourra jamais sortir de l'Europe et que sur ce plan comme sur d'autres Marine Le Pen ment. Qu'on ait aujourd'hui des prescripteurs comme Bernard Tapie si naturellement accordé à la vérité, tellement légitime pour se poser en maître de la morale collective au nom de son éthique singulière diffuse une lumière ironique sur ceux qui se croient autorisés à donner des leçons. Et que parfois on écoute. François Hollande ne volera pas en avion Falcon vers Tulle. On ne s'indignera pas devant un coût de 7900 euros! Il sera conduit en voiture à Tulle pour échapper aux critiques. Quel énorme progrès pour la démocratie et comme à force de rendre une présidence normale, au ras du bitume, on est en train de confondre l'exercice retenu et élégant du pouvoir avec la pire démagogie! On obéit aux citoyens pour l'insignifiant mais on ne répond pas à leurs attentes pour l'essentiel: l'économique, le financier, le judiciaire et le sociétal ne regardent pas la France dans ses pulsions profondes mais relèvent d'une omnipotence présidentielle qui sait mieux que le peuple ce à quoi il aspire. Le père de l'insupportable Léonarda se permet, avec une franchise arrogante dont il est fier, de déclarer qu'il ment tout le temps comme le président de la République lui-même: une dégradation de plus qui est la rançon de la pantalonnade d'il y a quelques semaines que François Hollande a du mal à faire oublier. Le président de la République est si bas dans les sondages qu'on a le droit de s'interroger sur le point de savoir si sa parole imprime encore dans l'esprit public, si ses projets d'action parviennent à persuader qu'un jour ils s'incarneront et que l'aurore surgira après ces défaites lassantes des promesses, des prévisions et du volontarisme formel. On se raccroche, alors, à des personnalités, à des êtres qui donnent l'illusion que leur présence aurait changé les choses. Puisqu'ils existent, il y aurait encore du souffle quelque part! Il est incontestable qu'entendre Daniel Cohn-Bendit défendre l'Europe remet de la vigueur et de la force dans les convictions assoupies, exsangues. Mais il va aller commenter les matchs de foot au Brésil! La morosité d'aujourd'hui ne tient pas qu'aux conditions de vie de beaucoup de nos concitoyens. De survie des plus pauvres, des plus modestes d'entre nous. Il nous manque de quoi nous rassasier. On a faim d'élans, d'admiration, de modèles. Le futur est flou. Le présent est incertain. Alors on se replie sur soi. Le dernier lieu sûr qui nous reste.

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