TOUT EST DIT

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dimanche 13 avril 2014

Une histoire de fous racontée par des idiots


La réduction des déficits n’est pas une contrainte européenne. C’est d’abord une affaire d’efficacité économique, de morale et même de souveraineté nationale.
A peine nommé ministre des Finances et des Comptes publics, Michel Sapin est allé à Berlin afin de rencontrer son homologue. Il ne s’agissait pas d’une simple visite de courtoisie ou d’un échange de bons procédés. Mais de tester le degré de résistance de nos voisins allemands à l’idée que la France puisse, une fois encore, ne pas respecter ses engagements budgétaires, et notamment le fameux seuil de 3 % du déficit par rapport au produit intérieur brut (PIB), que nous devrions, en théorie, atteindre en 2015. En fait, ce fut une discussion pleine de non-dits, puisque Michel Sapin a déclaré que la France « tiendra ses engagements » sans faire référence à la trajectoire budgétaire. Quant à son homologue allemand, Wolfgang Schäuble, il a concédé que « la France avait confirmé qu’elle avait conscience de ses responsabilités ». Tout cela ressemblait un petit peu à un alcoolique venant voir son médecin en lui disant : “Promis, j’arrête de boire demain.” Et son vis-à-vis de l’écouter, comme si c’était la vingtième promesse de cet acabit, en se disant que cela ne servait à rien de le contrarier.
En allant à Berlin, Michel Sapin espérait non seulement obtenir la bienveillance de son homologue, mais aussi qu’il use de son pouvoir d’influence à Bruxelles. Car c’est là où la partie s’annonce bien plus compliquée. Dès le 3 avril, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, a expliqué, sans nommer de pays, que « ne pas respecter les règles communes revenait à saper la confiance envers l’euro ». Quant au commissaire européen Olli Rehn, qui vient de placer notre pays sous surveillance renforcée, il a déclaré que « si on donnait plus de temps à la France sans raison, cela créerait immédiatement un précédent pour d’autres pays membres », avant d’ajouter de manière moins diplomatique : « Il est très important de respecter les règles et de ne pas les bidouiller [sic]. »
Tout cela va naturellement compliquer la tâche de François Hollande et celle de Manuel Valls. Car, dans son allocution annonçant un changement de gouvernement, le président a souhaité à haute voix un desserrement du calendrier européen. Surtout, Manuel Valls doit affronter la grogne d’une petite centaine de parlementaires socialistes qui sont prêts à le soutenir dans la durée s’il s’engage à conclure un contrat de majorité, dont l’un des points consiste à « mettre en oeuvre des trajectoires budgétaires soutenables, compatibles avec le retour de la croissance et la baisse du chômage ». Et une fois la déclaration de politique générale et le vote de confiance passés, le premier travail du gouvernement va consister, justement, à présenter, le 15 avril, au Haut Conseil des finances publiques, la fameuse trajectoire qui sera ensuite expédiée à Bruxelles. C’est à ce moment-là que l’on en saura enfin un peu plus sur les fameux 50 milliards d’économies que le gouvernement a promis de faire dans les dépenses publiques.
Pour paraphraser Macbeth, tout cela ressemble à “une histoire de fous racontée par des idiots, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien”. Une histoire qui ne signifie rien parce que la réduction des déficits est un impératif technique et moral. Il est absurde d’arroser le désert en affichant un déficit budgétaire de 4,3 % (estimation pour 2013) si cela permet de récolter une croissance inférieure à 0,7 %. Cela signifie que plus de 3,5 points de PIB (70 milliards d’euros) sont dépensés en pure perte chaque année et viennent creuser une dette qui s’élèvera à 2 000 milliards d’euros à la fin de l’année et que nos petits-enfants devront supporter parce qu’une poignée de parlementaires sont opposés aux réformes de structure.
Elle est racontée par des idiots car, qu’il s’agisse du couple exécutif comme des députés de la gauche de la gauche, cela ne sert à rien de faire de l’Europe un bouc émissaire de cette affaire. La réduction des déficits est d’abord une affaire de souveraineté nationale. Et dire l’inverse, ce n’est pas seulement faux, mais c’est faire le jeu des extrêmes. Enfin tout cela, malheureusement, ne signifie rien, car la fin de l’histoire, on la connaît déjà. Le nouveau gouvernement va jurer la main sur le coeur qu’il entend mettre de l’ordre dans les finances publiques. Non seulement il sera aussi incapable que le précédent à réduire les dépenses, mais, en plus, le pacte de solidarité souhaité par François Hollande va considérablement réduire ses marges de manoeuvre. Voilà pourquoi, comme le disait encore Macbeth dans cette même tirade, Manuel Valls n’est qu’un « pauvre acteur qui se pavane et s’agite une heure sur la scène, et qu’ensuite on n’entend[ra] plus ».

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