vendredi 7 février 2014
La rechute ? 5 graphiques pour comprendre le retour de la crise au moment même où on pensait que la zone euro était en train d'en sortir
La relance économique annoncée dans la zone euro est plus qu'incertaine. Malgré les déclarations optimistes, les indicateurs statistiques laissent plutôt penser à une prochaine retombée dans les turbulences et une conjoncture morose.
Malgré le semblant d’optimisme actuel sur le retour progressif de la croissance, les dernières statistiques publiées au niveau européen nous indiquent une probable rechute. C’est ainsi qu’en l’espace de quelques jours, le retournement de tendance est devenu de plus en plus évident. La zone euro, les pays émergents, et les Etats-Unis sont à nouveau réunis dans un mouvement qui prend alors une allure mondiale.
Ainsi en zone euro, les constantes pressions sur les salaires, conséquences d’un taux de chômage élevé, ont fait ressortir un taux d’inflation en baisse à 0,7%. Cette baisse de tendance des prix ne fait que traduire la chute du volume d’activité. Et ce chiffre n’avait pas été anticipé. La baisse prolongée du taux d’inflation depuis le début de l’année 2012 devient en effet extrêmement préoccupant, car il rapproche la zone euro d’un contexte déflationniste déjà connu en 2009, et de façon plus lointaine, entre 1929 et 1936 (pour la France).
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Cette situation peut également être rapprochée de la chute de la croissance de la masse monétaire (M3) qui est également tout à fait significative. Celle-ci retombe en effet à un niveau de 1%.
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Cette chute met en valeur la baisse de 2,3% en glissement annuel des crédits octroyés au secteur privé dans la zone euro au cours de l’année 2013. Une telle contraction permet de se faire une idée de la confiance dans l’avenir du secteur privé.
Mais les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là. Eurostat publiait ainsi le 5 février l’état des ventes au détail en zone euro, qui vient de subir une lourde chute de 1,6% pour le mois de décembre 2013. L’importance de ce chiffre se voit à l’œil nu dans le graphique ci-dessous.Le niveau actuel des ventes est inférieur à l’année 2004 (déflaté), ce sont 10 années perdues pour l’Europe dans ce secteur.
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Pour continuer de dresser le tableau de la zone euro, il suffit de reprendre les données Eurostat sur les taux d’investissement des entreprises, qui atteignent un plus bas historique.
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Reste enfin à ne pas oublier l’envolée spectaculaire du chômage en Espagne au mois de janvier 2014, soit 113 000 personnes supplémentaires en recherche d’emploi. Ce qui vient tempérer le discours de « retour gagnant » de l’Espagne.
La situation de la zone euro est à ce point compliquée que les rumeurs font état d’une situation de stress intense à la Bundesbank, ce qui est plutôt inhabituel. Les discussions sont vives au sein du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, et celle-ci fera part de ses décisions ce jeudi 6 février. Si rien ne se passe au sein de la BCE pour soutenir le niveau d’activité, la situation pourrait rapidement déraper.
Un contexte qui se reflète assez bien dans l’évolution des taux d’intérêts en zone euro. En effet, et comme cela est visible dans le graphique ci-dessous, la forte baisse des taux d’emprunts d’états français et allemand à 10 ans, sur le mois de janvier 2014 s’explique par la volonté des investisseurs à rechercher de la sécurité. Cette baisse ne reflète rien d’autre qu’une baisse des anticipations de croissance et d’inflation depuis le début de l’année. Et ce alors même que l’amélioration précédente du climat économique s’expliquait notamment par la baisse des taux de la BCE à 0.25% le 7 novembre dernier.
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Il est à noter que l’écart de taux entre France et Allemagne est parfaitement stable, preuve que pour le moment, les investisseurs ne sont pas apeurés par la situation spécifique de la France. Le climat économique actuel de la zone euro n’est pas tout. Il est également nécessaire de prendre en compte le contexte global.
Depuis plusieurs semaines l’inquiétude grandit sur la situation des pays émergents. C’est ainsi que la Russie, la Turquie, l’Afrique du Sud, le Brésil, la Thaïlande etc. sont entrés dans une phase de défiance provoquée notamment par la contraction de l’activité chinoise et le ralentissement du soutien porté par la FED à l’activité américaine. La réalité est que c’est principalement la Chine qui ralentit son rythme de croissance et vient par ricochet peser sur tous ses partenaires commerciaux. Mais également sur le prix des matières premières. La conséquence première est de voir la chute brutale des devises de ces pays : 10% pour la Russie, pour le Brésil, l’Afrique du Sud et d’autres encore depuis 3 mois, ou encore 25% pour l’Argentine. Se pose alors la question de l’utilité de la politique de baisse des coûts en Europe par une méthode de dévaluation interne, car les mouvements sur les monnaies viennent annihiler tous les efforts entrepris jusqu’alors.
L’aspect dramatique de cette situation est que les banques centrales des pays émergents ont réagi de concert en relevant leur taux afin de contenir la baisse de leur monnaie. Mais une telle action aura simplement comme résultat de comprimer encore plus leur économie. Celles-ci souffrent déjà d’un ralentissement de leurs exportations et la hausse de taux aura pour conséquence de réduire leur niveau de demande intérieure.
Il semblerait que chaque pays cherche à s’emparer de la demande, c’est-à-dire de l’activité, de son voisin, et ce tout en faisant le nécessaire pour que sa demande interne soit ralentie. La situation américaine est à part car la FED, à l’inverse de ce mouvement général, ne se soucie pas de ce qui se passe à l’extérieur et ne se concentre que sur sa demande intérieure. Et comme cela va mieux depuis quelques mois, le rythme de soutien se réduit. La relance est toujours importante mais la tendance est à la baisse.
Voilà pourquoi Raghuram Rajan, le nouveau patron de la Banque centrale indienne et ancien chef économiste du FMI, a pu faire part de son très grand mécontentement face à la politique menée par la FED. Ce dernier estime en effet que les Etats Unis ont pu compter sur la relance des émergents pendant la crise et que l’ascenseur n’est pas renvoyé aujourd’hui. Etant donné que la Russie, la Chine, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, l’Argentine, la Turquie font partie intégrante du G20 ; il est à parier que les prochains sommets seront animés.
Mais en réalité c’est bien l’Europe le problème car sa contribution à la croissance mondiale est nulle depuis 2008 et qu’elle se contente de profiter de la croissance de ses partenaires. La pression qui pèse aujourd’hui sur l’Europe est double. Une pression intérieure qui devrait à elle seule justifier un plan de relance monétaire, je parle ici des 12% de chômage. Et une pression extérieure car l’Europe ne participe plus à la croissance mondiale et qu’elle ne peut éternellement se reposer sur les autres.
Encore une fois, ce jeudi 6 février verra la BCE se réunir et celle-ci va devoir prendre une décision. Il ne fait aucun doute qu’une absence de réponse aux enjeux actuels viendra alourdir un climat déjà délétère. L’économie mondiale cherche aujourd’hui un relai de croissance, et vu l’état de la zone euro, il est évident que son tour est venu de contribuer à l’effort.
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