TOUT EST DIT

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samedi 10 août 2013

Aux hommes politiques français, avec mes compliments

Souvent décriés, les hommes politiques français méritent tout de même qu'on les félicite et qu'on les remercie. Hommage.

Vous êtes parvenus au pouvoir et avez réussi à vous y maintenir, malgré les coups dans le dos de vos semblables et les scandales qui vous éclaboussent. Vous avez aujourd'hui un pouvoir considérable, vous gérez des milliards d'euros que vous n'avez pas produits et une partie non négligeable vous revient directement. Bravo.
Je vous félicite, parce que vous avez réussi à donner à votre action l'apparence de la noblesse. Vous servez habilement vos amis et vos intérêts au nom de l'intérêt général, vous vous versez de très confortables indemnités non imposables au nom du sacrifice, vous sacrifiez l'avenir des Français au nom de la responsabilité.
Vous mentez éhontément et demeurez capables de dénoncer des mensonges plus petits mais plus visibles. Vous vous faites rarement prendre quand vous trichez, et même quand vous vous faites prendre vous êtes rarement touchés ; vous conservez vos fonctions, vous gardez vos amis, et la justice vous condamne à des peines symboliques.
Vous contrôlez la vie des citoyens ; leur éducation, leur santé, leur sexualité, leur travail, leur patrimoine ; les journaux qu'ils lisent, la radio qu'ils écoutent, la télévision qu'ils regardent et les sites qu'ils consultent ; les maisons qu'ils construisent et les entreprises qu'ils créent, leurs achats du quotidien et leur tenue vestimentaire, tout cela est sous votre contrôle.
Les citoyens travaillent tous pour vos projets. Ils construisent votre société idéale, ils vous paient pour écrire des programmes scolaires que leurs enfants apprendront ensuite, ils financent vos monuments, vos musées et vos attractions. Ils paient les radars automatiques qui leur enverront des amendes quand ils ne respectent pas les limitations de vitesse que vous imposez, ils paient les portiques écotaxes qui vous rapporteront de l'argent sur leurs déplacements, ils financent vos bonnes œuvres pour lesquelles votre nom restera dans l'histoire.
Ils travaillent aussi pour votre confort, en finançant votre très confortable rémunération et votre train de vie - chauffeurs, sécurité, cabinets, logement, résidences de vacances, rapports - et parfois celui de vos épouses, concubines ou maîtresses, à qui ils offrent vitrine en ligne et staff.
Et en contrepartie, vous n'avez ni obligation de résultats, ni obligation de moyens. Vous pouvez être absents physiquement ou intellectuellement de l'Assemblée, vous pouvez démontrer votre incompréhension totale de l'économie, vous pouvez présenter des bilans désastreux et annoncer que vous ne tiendrez pas vos engagements avant même d'avoir essayé, vous pouvez présenter le bilan calamiteux d'un pays en récession où l'explosion du chômage n'est ralentie que par la fuite des talents, et personne ne vous demandera de comptes.
Vous ne serez pas tenus pour responsables des milliards que vous empruntez au nom des Français, des petits arrangements entre amis qui vous facilitent la vie et rendent plus difficile celle des citoyens, des petits services que vous rendez à coups de lois contraires à l'intérêt général.
Vous pouvez recevoir des dictateurs en grande pompe pour négocier des contrats, puis faire intervenir à grands frais l'armée française pour les destituer, et vous faire acclamer par la foule en libérateur. Vous pouvez aller saluer les rivaux politiques de nos partenaires européens en pleine campagne, puis faire porter le chapeau de nos problèmes à ces mêmes partenaires européens, tout en affichant votre détermination pour une plus grande coopération européenne, sans que personne ou presque ne vous taxe de ridicule.
La presse est élogieuse à votre égard, et pour cause : vous lui versez de très aimables subventions et leur proposez des taxes supplémentaires pour compenser leur perte de lectorat. Elle traite l'information de façon partiale en votre faveur, a les mêmes idées que vousvous rencontre dans la meilleure atmosphère et vous témoigne les meilleures attentions.
Vous pourrez faire capoter des accords de libre-échange ambitieux pour protéger les revenus de vos amis artistes en obligeant les médias français à les diffuser ; en échange, ils vous soutiennent et donnent une belle image de vous. Quand certains cessent de vous soutenir et s'expriment contre vous, ou même contre le système dont vous êtes les avatars, ils sont accusés de sortir de leur rôle d'amuseur public ; mais quand ils sont en votre faveur, ce sont des artistes engagés.
Vous aurez un jour des rues à votre nom, des places et des salles omnisports ; des lois porteront vos noms, vos communiqués de presse seront automatiquement relayés par les journalistes politiques, proches collaborateurs de vos équipes de communication.
Hommes politiques de France, je vous adresse mes plus sincères félicitations. J'espère que la crise qui vient, la dégradation du niveau de vie des Français et leur tristesse quand ils réaliseront qu'ils ont payé des impôts et doivent rembourser des dettes pour des prestations qui ne leur seront plus fournies ne vous créera pas trop de tracas. J'espère que réaliser que vous êtes les responsables, vous avez donné les instructions et signé les documents qui ont petit à petit condamné le pays à une récession ne vous empêchera pas trop de dormir. J'espère que vous ne perdrez pas cette candeur et cette autosatisfaction, cette conviction d'œuvrer pour le bien de tous et de chercher toujours l'intérêt général, cette envie d'être l'avant-garde éclairée de citoyens qui ne pourraient pas vivre sans vous.
J'espère que l'absence d'austérité fonctionnera, que vous pourrez financer des dépenses toujours plus colossales et que l’État-providence ne s'écroulera pas sous son propre poids. J'espère que vous parviendrez à empêcher les Français de partir si la situation devient vraiment mauvaise, et que vous pourrez soumettre ceux qui désertent à l'impôt partout dans le monde.
J'espère que vos enfants cesseront de laisser croire quevous leur avez appris à dépenser sans compterà tricher et à mentir. J'espère que les enfants de tout le pays continueront de venir vous baiser les joues, de vous offrir des fleurs et de vous accorder la confiance qui sied aux petits pères des peuples. J'espère que, même lorsque vous aurez cassé votre beau jouet parce que l’État sera en faillite, vous serez encore considérés comme de bons guides et que les Français, même si vous n'avez plus de pouvoir sur eux, écouteront vos sages conseils.
Si ce n'est pas le cas, j'espère que vos maigres patrimoines vous permettront de faire face aux factures, que vous ferez des plus-values sur vos résidences secondaires estimées à un prix qui suffirait à peine pour la cabane du jardin. J'espère que les amis que vous vous serez faits au long de votre fructueuse carrière vous soutiendront toujours quand vous n'aurez plus l'occasion de leur renvoyer l'ascenseur. J'espère que vos ex-compagnes n'essaieront plus de vous ridiculiser en disant à qui veut bien l'entendre que vous êtes fan des 2be3. J'espère que les réceptions organisées aux frais du contribuablene vous manqueront pas trop, que vos collaborateurs vous aimeront même sans primes.
J'espère que les citoyens endettés n'auront pas l'idée saugrenue de faire la liste des dépenses que vous avez engagées pour vous les reprocher ensuite, ou de recenser les nombreuses facettes du traitement de faveur dont vous bénéficiez et de demander que vous remboursiez. J'espère que la société qui vient sera au moins aussi immorale et injuste que celle d'aujourd'hui pour qu'on ne vous reproche pas l’État dans lequel vous laisserez la France. J'espère que les Français seront toujours contraints de respecter vos lois et de payer vos taxes, qu'ils ne seront jamais libres de se passer de vous.
J'espère que vous avez raison quand vous dites que la crise est finie, que la reprise est là, que le pire est derrière nous. J'espère pouvoir vous faire confiance. Et pour tout ce que vous apportez aux Français, pour votre dévouement sans faille et votre intégrité à nulle autre pareille, du fond du cœur et de la part de tous les Français, je vous dis merci. Par-delà les clivages politiques, faisant fi des divisions partisanes, je vous le dis à tous : merci. Pour tout.

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