TOUT EST DIT

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vendredi 8 novembre 2013

Nous sommes tous des Bretons

Nous sommes tous des Bretons


Ce qui se passe actuellement sur les routes du Finistère n’a rien de commun avec les traditionnelles manifestations agricoles. Bernard Poignant, le maire de Quimper, qui dispose d’un bureau à l’Élysée, le sait mieux que quiconque. C’est bien connu, les agriculteurs bretons ont la réputation de savoir se faire entendre quand il le faut. À tel point que la seule fois où le général de Gaulle a été réveillé, alors qu’il était chef de l’État, fut lorsqu’une poignée d’agriculteurs enfoncèrent les grilles de la sous-préfecture de Morlaix. Les pêcheurs bretons savent aussi se montrer turbulents lorsque leurs intérêts vitaux sont menacés. Mais là, c’est autre chose. Il s’agit de toute une région qui se mobilise contre cet absurde projet d’écotaxe qui devait frapper tous les transports par camion de 3,5 tonnes et plus sur les routes nationales françaises à partir du 1er janvier prochain. C’est-à-dire qu’un fermier qui engraisse des poulets aurait dû payer plus cher pour que ses gallinacés soient transportés à l’abattoir. Ensuite, les morceaux de volaille emballés en barquettes auraient été à nouveau taxés lors de leur transfert vers les dépôts régionaux des grands distributeurs. Avant d’être taxés une troisième fois pour rejoindre les grandes surfaces ou les supérettes pour y être vendus au particulier. Si l’écotaxe avait été maintenue, le blanc de poulet venant d’une ferme bretonne aurait été taxé trois fois, quand celui débarquant en avion d’Allemagne ou des Pays-Bas ne l’était qu’une seule fois. Mais il ne faut pas croire que la suspension de l’écotaxe décidée mardi par Jean-Marc Ayrault va calmer les esprits.
Cette fronde qui monte depuis quelques semaines aux quatre coins de la Bretagne a d’abord le goût d’une jacquerie fiscale, en visant un impôt qui frappe non pas les riches ou les pauvres, mais une région où la vie est plus compliquée qu’ailleurs. C’est pour cela que face aux CRS se trouvaient des agriculteurs, mais aussi des ouvriers, des patrons, des artisans ou des syndicalistes, et des électeurs de droite comme de gauche. Elle a pris d’autant plus d’ampleur qu’elle s’est développée au moment précis où l’un des principaux abattoirs locaux, à Lampaul-Guimiliau dans le Finistère, a dû mettre la clé sous la porte, laissant sur le tapis 889 employés. Mais les manifestants qui se sont fait remarquer sur les routes nationales samedi dernier, avant de recommencer à Quimper en cette fin de semaine, voulaient surtout marquer leur colère à l’égard de ces mesures absurdes décidées depuis Paris, sans tenir compte des spécificités locales, des conséquences sur l’emploi et sur la vie quotidienne. Ils en ont marre de payer pour avoir le seul tort d’être éloignés du pouvoir. Ils sont les représentants modèles de cette France des “invisibles” qui essaie de s’en sortir sans rien demander à personne, en formant seulement le voeu qu’on la laisse tranquille. Et ils sont écoeurés que, en réponse à leur cri de désespoir, on leur envoie des bataillons de gendarmes mobiles, pendant que le président de la République gère le problème des clubs de football.
Ce sentiment de ras-le-bol fiscal, d’autisme présidentiel et d’exaspération à l’égard de Bruxelles n’est pas le fait que des Bretons, même s’ils sont réputés avoir la tête dure. Mais qu’ils aient voté en faveur de François Hollande ou qu’ils soient proches de la démocratie chrétienne, très présente en Bretagne, ils ont tous un frère, un cousin, un proche qui est un ouvrier frappé par les plans sociaux, un agriculteur qui n’arrive plus à s’en sortir, un pêcheur excédé par les normes européennes sur les mailles des filets, un petit patron qui ne parvient plus à joindre les deux bouts, un cadre pressuré par le fisc ou un retraité dont l’assurance vie souscrite il y a quinze ans va être ratiboisée par un prélèvement inique. À travers ces Bretons coiffés d’un bonnet rouge, la France des invisibles a maintenant un visage. Elle a aussi une formidable énergie : celle du désespoir. Le même désespoir que ressentent la plupart des Français à la suite de dix-huit mois de gouvernement socialiste. Après des mesures prises sans concertation ni cohérence, des actes en contradiction permanente avec les grandes déclarations et des promesses systématiquement reniées ou reportées. Plutôt que de voir François Hollande passer des heures à gérer le sort d’une Rom dont les parents étaient des fraudeurs, les Français aimeraient bien avoir enfin un président qui s’intéresse à leur sort. C’est parce que ce que vit actuellement la Bretagne est un condensé de tous les errements de ce gouvernement que les Français se sentent un peu bretons depuis quelques jours.

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