TOUT EST DIT

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lundi 25 novembre 2013

L’impopularité européenne de François Hollande

L'impopularité historique du président français est devenue transnationale, contagieuse.


Mercredi 20 novembre, Rome. François Hollande, accompagné de dix ministres dont Jean-Marc Ayrault, est convié par le chef du gouvernement italien Enrico Letta, du PD (Partito Democratico) pour un sommet franco-italien qui doit consacrer plusieurs accords économiques bilatéraux, et surtout, sur la pression de Bruxelles, faire avancer à toutes forces le dossier de la ligne à grande vitesse qui doit relier Lyon à Turin. Il s’agit également pour François Hollande de « se placer » en vue de la présidence italienne de l’Union Européenne, qui interviendra juste après les élections européennes : la distribution des fauteuils, portefeuilles et autres sinécures aurait-elle déjà commencé ?
Invité par son homologue italien, socialiste comme lui, pour signer de juteux contrats au pays de la dolce vita : rien de mieux pour échapper à la sinistrose française, et profiter de l’intermède pour s’afficher comme acteur de la croissance, avec son compère Letta, tous deux plus européistes que jamais. Luxe, calme et volupté en somme, le temps d’une journée.
Las ! Ce que l’on n’a pas su, c’est que les Romains, ce même jour, ont vécu une journée d’enfer : trafic paralysé pour des automobilistes bloqués plus de quatre heures dans leur voiture, scènes de guérilla urbaine dans tout le centre historique (une dizaine de blessés), ambassade de France aux allures de camp retranché, milliers de policiers sur les dents, armés, casqués et bottés. Mais ce qui est le plus intéressant, c’est le profil des contestataires : altermondialistes, anarchistes, immigrés et militants de la gauche radicale se sont attaqués au siège du PD et à son cercle historique dont la valeur est, en Italie, hautement symbolique.
À quelques pas du Campo de’ Fiori, le cercle du PD fut celui du Parti communiste italien depuis 1946, qui l’avait lui-même pris au Parti fasciste. Un symbole éminent, donc, de la victoire contre la barbarie. Dès le lendemain matin, toute trace des exactions commises avait disparu, murs repeints, plaques flambant neuves. Les habitués du cercle étaient d’ailleurs un peu gênés aux entournures et minimisaient ces agressions de la part de ceux-là même qui les ont portés au pouvoir.
Retour en France.
Mercredi 20 novembre, Paris. La police traque un tireur isolé, un « dangereux extrémiste », qui terrorise la capitale et qui sera rétrogradé au rang d’« individu solitaire et déséquilibré »« tordu », voire « énigmatique » quand on l’aura interpellé et que l’on aura découvert qu’il vient de l’« ultra » gauche, que c’est une sorte d’antifa façon vieille école, sans doute un brin nostalgique des brigades rouges, et qu’il a disparu des radars de la police pendant plus de treize ans.
Jeudi 21 novembre, Paris : les « agriculteurs en colère » organisent le blocus de la capitale avec force tracteurs et engins agricoles, opérations escargot et banderoles déployées, autoroutes quasi-bloquées. Une journée chaotique dans une atmosphère chaque jour plus pesante, un climat tendu nourri de heurts à répétition : une journée presque banale si elle n’était gorgée d’angoisses et d’exaspération. L’impopularité historique du président français est ainsi devenue transnationale, contagieuse, il a réussi le tour de force de bloquer, en l’espace de deux jours, deux capitales européennes.
Dans le même temps, les syndicats tentent, de leur côté, de voler au secours du gouvernement par une tentative, assez balourde, de discréditer la révolte fiscale, dont celle, emblématique, des bonnets rouges, en la qualifiant de populiste : les anciens maoïstes pratiquent le bouche-à-bouche sur l’État français. Le problème est qu’ils ne représentent plus grand-chose, et qu’ils ont surtout, comme François Hollande, un train de retard : le clivage gauche-droite, si confortable, a volé en éclats. La contestation la plus violente n’est pas, loin s’en faut, celle de la France bien élevée, mais celle de ceux qui ne croient plus aux lendemains qui chantent.

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