LVdlR : À quelles conclusions vous a mené votre enquête ?
« Je rejette totalement l’idée que l’Union soviétique ait participé d’une manière ou d’une autre à l’assassinat de John F. Kennedy. On peut également balayer un éventuel concours de Fidel Castro. Évidemment, il avait un mobile. Plusieurs fois, les services spéciaux américains, et surtout la CIA, avaient tenté de le faire chuter. Il est facile de supposer que Fidel Castro ait voulu devancer cela. Cependant, j’ai questionné de nombreux témoins des évènements du 22 novembre 1963, j’ai examiné de nombreux documents et je suis arrivé à la conclusion que l’assassinat de JFK a surement été organisé par la mafia. Concrètement, par deux chefs de la mafia, qui n’avaient jamais été autant persécutés que sous Kennedy, peut-être avec la participation de l’opposition cubaine anti-Castro. »
LVdlR : Dans votre livre, vous avez mis le texte entier d’un document confirmant que la CIA avait interrogé Lee Harvey Oswald à son retour de Russie. Pouvez-vous nous dire à quelles conclusions vous êtes arrivés en étudiant ce document ?
« Tout d’abord, il faut rappeler que la guerre froide battait son plein. En octobre 1962, il y a eu la crise des missiles de Cuba. Cette période était tendue et dangereuse. À ce moment, aucun Américain ne pouvait aller en Russie, en revenir et vivre tranquillement après. Tous ceux qui revenaient d’Union soviétique étaient soigneusement interrogés par la CIA. C’était monnaie courante.
Et voilà qu’arrive Lee Harvey Oswald, qui a servi dans une base aérienne de laquelle les États-Unis envoyaient des avions de reconnaissance en Russie. C’était un simple soldat, mais il en savait tout de même beaucoup. Il a alors décidé d’aller en URSS. Il a ensuite vécu et travaillé tranquillement à Minsk, s’est marié avec une Soviétique et est revenu au pays avec sa femme et un enfant. Que s’est-il alors passé ? Bien sûr, il a passé un grand nombre d’heures, et peut-être même de jours, à répondre aux questions de la CIA. On l’a peut-être même menacé de le mettre en prison. C’est que, selon ses propres mots, il a livré son pays, il a transmis des informations sur les avions de reconnaissance U-2 aux Russes. La CIA s’est tout de même débrouillée pour que Lee Oswald ne soit plus interrogé. Il a alors vécu tranquillement au Texas. C’est totalement invraisemblable. Dans mon livre, j’ai méticuleusement examiné toutes les circonstances : que s’est-il passé lorsque Lee Oswald est revenu aux États-Unis ? A-t-il été interrogé tout de même ou non ? Y a-t-il des documents prouvant qu’il y a eu un interrogatoire ? Mais qu’est-il arrivé ensuite ? Je pense qu’on lui a donné le choix : soit aller en prison, soit collaborer avec la CIA et faire ce qu’on lui demande. Alors, tout devient clair.
L’année précédant l’assassinat de JFK, il a commencé à soutenir Fidel Castro. Selon les données officielles, il soutenait vraiment sincèrement sa politique. À mon avis, il est très probable qu’on ait fait de lui un simple rouage imperceptible de la grande machine des services de renseignement américains, qu’il ait été utilisé comme un instrument de propagande contre Cuba. Et quelle que soit la personne qui ait assassiné le président, Lee Oswald a été relié à cet assassinat et Jack Ruby, à son tour, a tué Lee Oswald. Et il était préférable pour la CIA de se tenir à l’écart, afin que personne ne sache qu’elle avait un quelconque lien avec Lee Oswald. C’est comme lorsqu’un homme cache à sa femme qu’il est allé au baseball la veille au soir et que la femme, apprenant le mensonge, mais ne sachant pas tout, pense qu’il a une maîtresse. Dans le cas de la CIA, il est évident que l’agence a caché des informations sur ses liens avec Lee Oswald, et ce mensonge innocent montre manifestement que la CIA peut mentir sur des choses beaucoup plus sérieuses et dangereuses. En conclusion, depuis des dizaines d’années, le peuple américain est convaincu que leurs services spéciaux sont impliqués dans l’assassinat de John F. Kennedy. Je pense que c’est très peu probable.
LVdlR : Pourquoi la House Select Committee on Assassinations (la commission d’enquête de la Chambre des représentants des États-Unis pour les assassinats) n’a-t-elle été créée qu’en 1976, 13 ans après l’assassinat de John F. Kennedy ?
 « À ce moment, lorsque la commission du Congrès a été créée, l’Amérique entrait dans une période de doute. Je pense que lorsque la commission Warren a commencé à enquêter sur l’assassinat de Kennedy, les Américains vivaient encore dans le monde doux et confortable d’Eisenhower. Les citoyens croyaient les autorités, tout était bien. J’ai été tout simplement horrifié de voir que les médias américains ont fait si peu pour enquêter sur l’assassinat de JFK. C’est que c’est leur travail. Cela a poussé le journaliste de la BBC que j’étais à l’époque à s’intéresser à ce problème de façon autonome. Les citoyens croyaient le gouvernement et la commission d’enquête était menée par le président de la Cour suprême. Personne ne doutait du fait que le FBI avait fourni tous les documents qu’il possédait à la commission Warren. Mais, ensuite, les gens ont commencé à soupçonner quelque chose. À la fin des années 1960 et dans les années 1970, une époque de doute véritable a débuté. Des doutes ont commencé à naître chez les opposants à la guerre au Vietnam, des doutes qui sont devenus encore plus forts après le Watergate. Il est soudainement devenu clair qu’il ne fallait pas faire confiance à la CIA et au FBI, qu’ils avaient caché même à la commission Warren le fait qu’ils avaient essayé d’attenter à la vie de Fidel Castro. Une période de doute a donc commencé. Cela a amené à la création de la House Select Committee on Assassinations, qui a conclu qu’il y avait une conspiration contre Martin Luther King et que, probablement, et je souligne « probablement », JFK a été victime d’une conspiration. »