TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 29 octobre 2013

Ecotaxe: un long chemin de croix


A moins de deux mois de son entrée en vigueur, l'écotaxe n'existe plus. En tout cas pour le moment. Jean-Marc Ayrault a annoncé sa suspension sine die ce mardi. Un obstacle de plus pour un dispositif déjà né dans la douleur en 2009. 

Première station: une préparation à tâtons (2006-2009)

Le 4 décembre 2006, le ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire, Nicolas Sarkozy se prononce en faveur d'une taxe sur les poids lourds. Reste à mettre cette volonté en musique. Il faut s'assurer que "cette redevance puisse être intégralement répercutée sur les chargeurs", et non sur les transporteurs, comme le précise Nicolas Sarkozy. Et que les spécificités des véhicules (degré de pollution, taille) et des régions soient prises en compte. Dans un document de présentation de l'écotaxe daté de mars 2009, l'administration compétente annonce qu'à ce titre "une minoration de 25% sera appliquée au taux de l'écotaxe poids lourds générée dans les départements considérés comme les plus périphériques". La Bretagne et le sud-ouest. 
Dans les premiers mois de son mandat présidentiel, Nicolas Sarkozy appuie sur l'accélérateur: la taxe camions entrera en vigueur en 2009. Elle est alors intégrée au Grenelle de l'environnement. En septembre 2008, François Fillon, alors Premier ministre, confirme qu'une telle taxe sera créée, mais d'ici ... 2012.  

Deuxième station: premières négociations et premiers reculs (2009-2011)

Début 2009, "l'économie bretonne part en guerre contre la taxe Borloo", annonce Le Figaro. Les patrons locaux, qui ont rebaptisé l'éco-taxe du nom du ministre de l'Ecologie de l'époque, exigent que le dispositif ne s'applique pas à la Bretagne. Les manifestations se succèdent sans empêcher l'ouverture du débat parlementaire quelques semaines plus tard.  
Soucieux d'épargner les routiers, Nicolas Sarkozy propose de compenser le paiement de la fiscalité verte par des exonérations de charges sociales. Un autre front de négociations s'ouvre à l'ouest. La Bretagne refuse de se contenter d'une minoration de 25% de l'écotaxe. En novembre 2011, ils gagnent le bras de fer et obtiennent que les 25% se changent en 40%.  

Troisième station: la justice glisse un bâton dans les roues (2011)

Le 8 février 2011, la société Autostrade per l'Italia remporte l'appel d'offres pour gérer l'entretien, l'exploitation et la maintenance de l'écotaxe. Dix jours plus tard, la justice annule l'appel d'offres. Les ministères des Transports et de l'Ecologie craignent alors de repartir à zéro et de perdre, une nouvelle fois, de précieux mois. Mais, pour une fois, le sort leur sourit : en juin, le Conseil d'Etat rétablit le partenariat entre l'Etat et Autostrade per l'Italia. En octobre, le contrat est signé. L'écotaxe est sur les rails.  

Quatrième station : secondes négociations et seconds reculs (2013)

Changement de majorité au sommet de l'Etat et nouveau projet de loi pour fixer "diverses dispositions en matière d'infrastructures". Le premier semestre 2013 donne lieu à d'intenses négociations. Dès la première lecture à l'Assemblée, les députés bretons déposent des amendements pour faire passer la minoration de 40% à 50%. Début avril, l'objectif est atteint. Dans la foulée, les parlementaires exfiltrent du dispositif le transport du lait après de longues discussions, ce qui vaut ce bon mot du député écologiste,François-Michel Lambert: "Je voudrais dire à mes amis députés de droite qu'à force de battre le lait, ils vont en faire du beurre !" 
Les négociations se poursuivent jusqu'au dernier instant : même lors de la commission mixte paritaire, chargée de trouver un compromis entre le Sénat et l'Assemblée, une dernière exception est trouvée : sont exonérés de l'éco-taxe les "véhicules appartenant à l'Etat et aux collectivités locales affectés à l'entretien des routes". Le 25 avril, le parlement adopte définitivement le projet. Entre temps, le ministre des Transports a annoncé le report de l'entrée en vigueur à octobre 2013. En septembre, il annonce un nouveau recul: ce sera finalement le 1er janvier 2014.  

Cinquième station: ceci est une suspension, pas une suppression (2013)

Octobre 2013, la date fatidique approche et la colère monte. La Bretagne, touchée par plusieurs plans sociaux, bout. Les manifestations se succèdent. Samedi, l'une d'elles dégénère.  
A Paris, l'exécutif s'inquiète de cette poussée de fièvre, d'autant qu'une nouveau rassemblement est prévu à Quimper le samedi suivant. Les parlementaires bretons, y compris socialistes, mettent la pression sur François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Le mardi 29 octobre, le Premier ministre annonce une suspension sine diede l'ecotaxe. Dernière péripétie. Enfin, dernière... le chemin de croix du Christ comptait 14 stations.  


0 commentaires: