Considéré comme un homme de caractère par ses partisans et comme un caractériel par ses détracteurs, le maire de Cholet n'a jamais fait dans la dentelle.
Un complot médiatique. Telle est la théorie du député-maire UDIGilles Bourdouleix, qui se défend d'avoir déclaré, le 21 juillet devant des gens du voyage, qu'il était dommage qu'Hitler n'ait pas fini de les exterminer. "Peut-être que dans trois ou six mois, on fera la démonstration de ce qu'on m'a fait dimanche. Je vais démontrer qu'il y a des coupures sur la bande." Puis le diplômé du barreau de Paris donne sa version des faits : "Après une conversation avec les gens du voyage, je vois trente types debout me faire des saluts nazis et crier Heil Hitler. J'ai dit : Si Hitler était encore là, vous seriez tous morts. Un journaliste s'approche et me demande, en la citant, de répéter la phrase qu'il me prêtait. Je l'ai répétée, car je n'étais pas sûr d'avoir bien entendu", explique-t-il. Et de poursuivre : "Mais la phrase a été isolée au montage. Quand vous écoutez la bande, on entend des gens du voyage qui discutent et lui demandent de faire la une contre moi."
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Même si c'est la ville des mouchoirs, on ne va pas pleurer sur les "roms". |
"C'est quand même s'accorder beaucoup trop d'importance que d'imaginer que des journalistes puissent manigancer un complot contre lui. Il doit avoir une haute idée de sa personne", constate Fabien Leduc, le journaliste de Courrier Ouest qui était sur place et qui a relayé ses propos. Il poursuit : "Lorsqu'il est arrivé, les invectives ont commencé très vite. Les gens du voyage lui font des saluts nazis en retour, mais c'était pour se moquer de lui." Selon le journaliste, ils faisaient allusion à des faits qui se sont déroulés en octobre. "Ils étaient autorisés à s'installer dans un camp par la préfecture. Mais il est lui-même venu sur place et, selon des témoignages relayés par Me N'Gom, leur avocat, il leur a lancé :Hitler n'a pas fini le travail. Ou encore, Hitler a laissé s'échapper les rats." À l'époque, le Courrier Ouest relaie ces propos, mais, incapable de prouver qu'ils ont bien été tenus, perd le procès en diffamation intenté par le maire. Le journaliste poursuit : "Il avait essayé de s'opposer physiquement aux gens du voyage, qui étaient en règle. Le préfet a rappelé la police pour les empêcher de participer à l'opération. Il aurait pu faire un recours devant le tribunal administratif pour éviter leur venue, mais il ne l'a pas fait."
"Il aime bien la castagne"
Et cette méthode quelque peu cavalière ne fait pas l'unanimité. Le fondateur de l'UDI Dominique Pailléestime qu'"il était sur le terrain alors que normalement, il doit déléguer". "Il aime bien la castagne, le fait de se prendre des coups et d'en rendre", ajoute-t-il. Maurice Ligot, son prédécesseur dont il a été le directeur de cabinet, confirme. "Moi aussi comme maire je devais m'occuper des gens du voyage, mais j'envoyais un fonctionnaire pour gérer les campements. Lui va directement sur le terrain. Ce n'est pas le rôle du maire." "Chacun sa conception. Moi je suis un maire de terrain, je suis là, car je considère que c'est mon rôle d'être là. Si l'ancien maire est tellement peureux qu'il considère que ce n'est pas à lui d'y aller pour se faire taper dessus, c'est son droit", se justifie Gilles Bourdouleix. Il poursuit : "Le dimanche, mon rôle n'est pas de déranger mes collaborateurs, mais d'expliquer aux gens du voyage pourquoi ils n'ont pas à être là."
Outre les journalistes, Gilles Bourdouleix se sent également persécuté par les gens du voyage : "Ils veulent ma peau, donc je suis intraitable avec eux. Si j'avais vraiment tenu ces paroles devant eux, soit j'étais Hussein Bolt et je pouvais m'échapper en courant, soit vous seriez en train de faire ma nécrologie", ajoute-t-il pour se justifier. "Ou on s'aligne, ou on est un ennemi. Et en plus, il considère que cet ennemi le persécute", décrypte Maurice Ligot avec qui il a travaillé pendant dix ans en tant que directeur de cabinet. Mais l'intéressé se défend d'être complotiste : "Je ne me suis jamais plaint d'être persécuté. Entre 1995 et 2010, j'ai eu un opposant politique très compétent, connaisseur des dossiers [Il fait allusion à Antoine Mouly, ancien du PG, NDLR]. Il est entré en 2010 dans ma majorité."
"Un mélange de populisme et de violence"
Mais s'il y a une caractéristique du maire qui met tout le monde d'accord, c'est son tempérament de feu. Selon l'ancien maire de Cholet, Gilles Bourdouleix était "un directeur de cabinet très soumis. Mais c'est le pouvoir qui l'a changé" : "Lorsqu'il s'est présenté à la mairie, nos relations se sont dégradées. Il a fait preuve à partir de ce moment-là d'une agressivité permanente et croissante à mon égard. Il est devenu égocentrique." Après son élection, son ancien mentor constate "une gradation dans sa manière de se comporter" : "En tant que maire, son bilan n'est pas mauvais, mais son comportement humain a été incompréhensible, puis insupportable, puis ignoble." Il poursuit : "Je ne suis pas étonné de ce qui se passe venant d'une personne qui refuse toute règle, toute contrainte et toute règle de vie en société." "Son comportement s'explique par des raisons électoralistes. C'est le moteur de tous les hommes politiques, mais lui fonctionne avec un mélange de populisme et de violence", conclut-il.
"Vous croyez qu'on fait bouger les choses si on est béni-oui-oui ?" rétorque Gilles Bourdouleix. "Je suis un homme de caractère qui fait de la politique. La politique est faite de gens un peu mous. Je prends des positions quand ça doit être fait", se défend-il. Il poursuit : "J'assume, j'ouvre ma grande bouche. Je suis ferme dans le débat. Mais je n'ai jamais tapé ou insulté personne." Il donne un exemple de l'efficacité de sa méthode de choc : "Il y avait un projet d'autoroute qui devait s'arrêter à Cholet-Nord. Je me suis fâché tout rouge et, grâce à ça, on a pu le faire aller jusqu'à Cholet-Sud." "Il est Agenais de naissance. Agen est un ancien territoire militaire qui appartenait à la Vendée. Quand il y a un échec, les gens se relèvent très vite et sont très entreprenants", explique son adjoint Michaël Roncier. "C'est vrai que les gens disent qu'il est caractériel. Mais je dirais plus que c'est un homme de caractère", tranche-t-il.
"Il a les qualités de ses défauts"
Outre les accusations de violence, il se défend de prendre des positions extrêmes. "J'ai décidé de faire de la politique par conviction. Je suis issu d'une famille gaulliste, dont certains membres étaient engagés dans les forces françaises libres et de résistance." Ou encore : "Mon prédécesseur n'avait pas fait de terrains d'accueil. Moi j'ai ouvert des terrains." "J'ai aussi été critiqué, car j'ai fait construire un minaret sur la mosquée de Cholet", ajoute-t-il. Même son de cloche chez Bruno Cailleton, un autre de ses adjoints : "Ce n'est pas son genre d'être raciste ou de cautionner des crimes contre l'humanité. Il est chevalier de l'ordre du mérite burkinabé et soutenu par le président de l'association des Laotiens de Cholet."
À l'UDI, on se détache des propos, mais on défend quand même le bilan de l'élu. "Il est totalement engagé dans le dynamisme de son bassin d'emploi, mais il a un fichu caractère. Il a les qualités de ses défauts. Il est proche des gens et il en veut", décrit l'ancien garde des Sceaux Pierre Méhaignerie. Ou encore Dominique Paillé qui l'a connu pendant 20 ans, pendant sa mandature de député des Deux-Sèvres : "C'est quelqu'un qui a des qualités. C'est un battant, un bâtisseur. Il a le défaut d'être un peu sanguin. Il se laisse aller à des débordements parfois regrettables." "J'ai été très blessé que certains membres de l'UDI annoncent ma démission, mais je n'ai pas voulu mettre Jean-Louis Borloo dans l'embarras", dit le maire pour justifier sa décision de démissionner. "On verra après la décision de justice", relate-t-il.
Bienveillant à l'égard de ses anciens collègues de l'UDI, Gilles Bourdouleix l'est moins avec le gouvernement : "Je suis choqué du pouvoir qu'a l'exécutif. Manuel Valls a donné des instructions aux magistrats. Il y a eu des commentaires de la concubine du président et Ayrault a dit qu'il fallait que je sois condamné à la peine maximale." Et pour rééquilibrer la balance des pouvoirs, "faire respecter les lois de la République" et "apporter un témoignage de ruralité au milieu de candidats issus de milieux urbains", Gilles Bourdouleix, président du CNI (Centre national des indépendants et paysans, composante de l'UDI), souhaite accéder aux plus hautes responsabilités. Déjà, en 2012, il s'était présenté comme candidat à la présidentielle, mais n'avait pas obtenu assez de signatures, car il s'y était pris "trop tard". Mais ce n'est que partie remise : "Président de la République en 2017 ? Pourquoi pas. Il y a un précipice entre la France de terrain et le milieu politico-médiatique qui n'a aucune idée des réalités."
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