Manuel Valls souffre d’un trait de caractère qui domine tout : il a toujours raison. Voilà pourquoi le saccage du Trocadéro est accablant pour lui.
Le ministre de l’Intérieur ne va pas pouvoir continuer à parader très
longtemps comme ça. Mardi matin, après la soirée de pillage place du
Trocadéro, il répétait au micro de Jean-Pierre Elkabbach, sur Europe 1 :
« Pas de leçons, pas de leçons ! » L’après-midi, à l’Assemblée,
c’était sa fête, pas celle du PSG. Manuel Valls souffre d’un trait de
caractère qui domine tout : la prétention. Il ne se trompe jamais. S’il y
a une erreur de jugement, une “faille” dans un dispositif, c’est la
faute des autres, ou mieux, celle de ses prédécesseurs. François
Hollande l’encourage dans cette attitude en le citant comme l’un de ses
“meilleurs ministres”. Mais la prétention conduit à l’aveuglement ;
c’est ce qui le perdra.
Des leçons, il n’en reçoit pas ; c’est lui
qui en donne. En arrivant au ministère de l’Intérieur, il n’a rien eu
de plus pressé que de remplacer le préfet de police de Paris et le
directeur général de la Police nationale. Il voulait des hommes à sa
main, politiquement conformes avant d’être professionnellement
compétents. Dans ce domaine, le préfet de police, resté sans affectation
opérationnelle de premier plan pendant douze ans, est un modèle. Mais
pour le ministre, c’est secondaire, puisque le patron, c’est lui. Lui
qui manoeuvre, dirige les compagnies de CRS et les escadrons de
gendarmes mobiles selon ses humeurs et ses choix politiques.
Il
se fait la main avec les manifestations anti-mariage gay. La droite,
qui le jugeait ferme à l’égard des délinquants et voyait en lui un bon
successeur de ce pauvre Jean-Marc Ayrault, découvre un ministre
méprisant et hautain. Pris à contre-pied par l’ampleur des défilés, par
les mauvais renseignements de ses préfets zélés, qui préfèrent le
laisser s’enfermer dans des impasses et le commentaire de chiffres de
manifestants truqués. Par réaction, il en fait trop : il interdit les
Champs-Élysées à la “manif pour tous” et se fait surprendre à l’Étoile,
le 24 mars ; du coup, le 28, lors de l’intervention télévisée de
François Hollande, il envoie 1 400CRS et gendarmes casqués barrer la
route aux 2 000 manifestants pacifiques qui cernent le siège de France
Télévisions. Mieux, le soir du 15 avril, alors qu’un groupe de la “manif
pour tous” installe deux ou trois tentes sur le côté de l’Assemblée
nationale, il fait interpeller 67 jeunes gens, les place en garde à vue
durant vingt-quatre heures, avec prise d’empreinte ADN et inscription au
fichier de la délinquance !
Lundi, Manuel Valls paradait donc, à
Lyon, avec Christiane Taubira pour célébrer ses résultats en matière de
lutte contre la délinquance et les progrès de ses 64 zones de sécurité
prioritaires, alors que les habitants de Villeneuve-d’Ascq et d’ailleurs
devaient se constituer en comité d’autodéfense ou que l’on continuait à
jouer de la kalachnikov à Lille, Marseille ou Istres… Et le soir même,
le saccage de la place du Trocadéro venait spectaculairement ruiner les
“acquis” de sa politique.
Mais ce n’était pas sa faute, il ne
savait pas que le football entraîne avec lui des cortèges de violence,
que le PSG avait expulsé des rangs de ses supporters des hooligans qui
n’attendaient qu’une occasion pour se venger ; il ne savait pas ce qui
s’était déjà passé la veille aux ChampsÉlysées, ni que la place du
Trocadéro était impossible à “boucler” avec quelques rideaux
de policiers, surtout quand on conserve ouvertes les stations de métro.
Il a sous-estimé les événements, ne mobilisant sur place que la moitié
des effectifs engagés à France Télévisions pour la “manif pour tous”. Il
s’est ridiculisé en parlant dans un communiqué prématuré de « mouvements de foule et de bousculades
» quand les chaînes d’information montraient déjà des images d’émeutes.
Ce soir-là, les policiers ont mis 38 casseurs en garde à vue, 30 de
moins que pour les “campeurs” de l’Assemblée nationale, alors que le
saccage faisait 32 blessés, dont trois parmi les forces de maintien de
l’ordre (zéro pour les centaines de milliers de manifestants de droite).
La
démonstration est accablante. Non pas que le phénomène des pilleurs (il
fallait voir l’autocar de touristes dévalisé dans l’impuissance
policière sous l’oeil des caméras étrangères) soit nouveau, mais le
ministre de l’Intérieur nous avait fait croire que cela ne se
reproduirait plus avec lui. C’est pourtant à l’image d’une politique
pénale où les casseurs encagoulés ne risquent rien, puisque Mme Taubira a
supprimé l’emprisonnement pour les peines inférieures à six mois et
qu’elle considère que de tels débordements ne devraient pas être
exagérément grossis. Sauf que ceux-ci ont produit leurs effets à la
veille d’une conférence de presse du président de la République. Le
procès en incompétence se poursuit sans désemparer.
vendredi 24 mai 2013
La fête des incompétents
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