Être
libéral, c’est vouloir ramener l’État sous le contrôle du droit et
étendre les libertés individuelles. Et c’est là que les problèmes
commencent, bien sûr.
Je vais avoir 70 ans, l’âge où les ombres s’allongent sur le sol, et, de temps en temps, je me pose la question : « Mais pourquoi est-ce aussi difficile d’être libéral en France ? » Qui peut aussi se traduire par : « Mais qu’est-ce que je suis allé faire dans cette galère ? » Voici ce qui, pour moi, est un début de réponse à ces étranges questions.
Tout
d’abord, le libéralisme est une philosophie du droit et non pas du tout
une série de recettes économiques. Des principes juridiques ont émergé
au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, ont été appliqués aux États-Unis
et au Royaume-Uni et, à la stupéfaction générale, ont amené au décollage
économique d’abord ces deux pays, puis ensuite tous les autres États
qui ont suivi leur exemple. L’application des principes juridiques du
libéralisme amène à la croissance économique, mais c’est une conséquence
heureuse et non recherchée. Ces principes juridiques définissent, d’un
côté, les relations des individus entre eux et, de l’autre, la relation
entre ceux-ci et l’entité à qui ils ont librement délégué le monopole de
la violence légale, je veux dire l’État.
Le principe fondamental
du libéralisme est donc que le droit régit tout et est supérieur à tout.
Dans un monde organisé selon une philosophie libérale, le droit est le
coeur même du système, ainsi qu’on le voit aux États-Unis, où le
président élu lors de sa prise de fonctions, jure de respecter la
Constitution des États-Unis, cette Constitution étant, comme chacun le
sait, la clef de voûte de tout le système juridique, légal et économique
aux États-Unis. Et cette Constitution est inchangée depuis son origine,
à l’exception de quelques amendements, dont le plus célèbre reste le
premier : « Le Congrès ne fera aucune loi accordant une préférence à
une religion ou en interdisant le libre exercice, restreignant la
liberté d’expression ». Ce qui interdit par exemple toutes les
stupides lois mémorielles dont nous souffrons dans notre pays. Or, dans
le subconscient des Français, rien ne peut être supérieur à l’État.
Et
donc, nous ne pouvons avoir aucune stabilité juridique, puisque chaque
changement dans l’État amène avec lui des changements dans le droit.
Depuis que les États-Unis existent, nous avons eu le bonheur d’avoir
cinq Constitutions républicaines, deux ou trois monarchies, un ou deux
empires et quelques régimes indéterminés tels le Consulat ou Vichy. Et
tous les agents de l’État qui avaient juré fidélité à la Constitution
précédente n’ont jamais eu aucun problème à continuer à servir quand
bien même la Constitution aurait changé, puisque l’État et ses
serviteurs restaient en place.
En France, l’État est pérenne,
alors que les Constitutions et donc le droit sont tout à fait
transitoires. Et d’ailleurs, depuis Napoléon, l’État a même son droit à
lui, ce qui est une monstruosité philosophique, puisque cela veut dire
que l’État et ses agents répondent à des règles différentes du commun
des mortels.
Dans un monde libéral, le droit est supérieur à
l’État. En France, l’État est supérieur au droit. Et donc, prendre le
contrôle de l’État en France, c’est se retrouver dans la position de
Moïse, en contrôle du droit et de l’État, c’est-à-dire être à la fois
roi et prêtre, et non pas simplement président (temporaire), ce qui est
quand même beaucoup plus intéressant que d’être brimé par des textes
rédigés il y a deux cents ans.
Et donc, pour moi, être libéral,
c’est vouloir ramener l’État sous le contrôle du droit. Et c’est là que
les problèmes commencent, bien sûr. Hélas, je ne pense pas que les
choses vont beaucoup bouger de mon vivant ni que j’aurai une grande
influence, mais cela ne m’importe guère. Ce qui compte, c’est de porter
le flambeau, quelqu’un d’autre le relèvera un jour. Après tout, il n’est
pas honteux d’échouer là où Montesquieu, Benjamin Constant,
Tocqueville, Bastiat, Raymond Aron, Jouvenel, Revel et tant d’autres ont
échoué avant moi. Et comme le disait un grand Français, Pierre de
Coubertin : « L’important dans la vie, ce n’est point le triomphe, mais le combat. » Charles Gave, économiste et président de l’Institut des libertés.
vendredi 24 mai 2013
De la difficulté d’être libéral en France
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire