TOUT EST DIT

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mercredi 17 avril 2013

Sophie de Menthon à Najat Vallaud-Belkacem : "la gauche est bien l'ennemie des entrepreneurs"

La chef d'entreprise et présidente du Mouvement Ethic (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) Sophie de Menthon répond à la tribune de Najat Vallaud-Belkacem publiée dans Les Echos et intitulée "La gauche n'est pas l'ennemie des entrepreneurs".

Madame la Ministre,
Les chefs d’entreprise ont été interpellés par le titre de votre article dans les Echos du 10 avril 2013 : « La gauche n’est pas l’ennemie des entrepreneurs ».
Et pourtant non, il ne s’agit pas d’une « mythologie contemporaine », comme vous voulez le croire. La Gauche a effectivement du mal à travailler avec les entrepreneurs ou plutôt ne les connait pas, ne les fréquente pas, n’a pas beaucoup de considération pour eux. La Gauche n’aime pas qu’ils s’enrichissent et considère toujours que c’est au détriment des salariés. Nous sommes certains que vous êtes de bonne foi et que vous déployez beaucoup d’énergie dans votre fonction mais ne vous trompez pas, lorsqu’avec conviction vous dites « qu’entreprendre c’est ce que vous faites personnellement tous les jours » (vous et vos collègues du Gouvernement), cela n’a rien à voir avec la réalité de l’entrepreneuriat.
Certes, vous prenez des risques, mais c’est nous qui en subissons les conséquences.
Certes, vous explorez des idées nouvelles, mais c’est nous qui les mettons en œuvre.
Certes, vous testez de nouvelles façons de construire la « solidarité », mais la solidarité c’est nous entrepreneurs qui la finançons avec les charges salariales et nous Français avec nos impôts.
Vous mettez en avant les initiatives que vous avez eues ou soutenues récemment : les contrats inter-générations par exemple, une belle idée ; mais ne nous mentons pas, ils sont extrêmement rares à ce jour surtout parce que c’est utopique de penser que dans une PME, un sénior sur le départ va ouvrir les bras à un junior fraîchement accueilli et qu’ils vont marcher main dans la main vers le succès avec à la clef une formation sur le terrain… On aimerait bien, mais ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. En matière de management, nous avons aussi un peu réfléchi.
Les promos jeunes, seniors, tandem
s, femmes… on nous en propose depuis des années.
Vous vous félicitez d’avoir réuni et contraint les partenaires sociaux à aboutir à un accord de compétitivité fondé sur une plus grande flexibilité. L’épée de Damoclès de la loi était entre vos mains. Mais est-ce un si grand succès ? Certains n’ont pas signé par principe idéologique et ils étaient dans la rue, le mardi 9 avril contre cet accord ; bel exemple de dialogue social manqué. Quand aux partenaires de votre majorité, beaucoup n’ont pas voté le texte et d’autres ténors, toujours de votre majorité, ont même prétendu qu’il s’agissait d’un « accord MEDEF » scandaleux, qui contribuait à accroître l’exploitation des salariés… en montrant du doigt les coupables : toujours les chefs d’entreprises.
J’appelle ça une Gauche ennemie des entrepreneurs, moi !
Je partage complètement votre point de vue sur le socle de confiance que représente l’entreprise aujourd’hui ; toutes les études le prouvent, c’est le ciment de la société. Les Français aiment leur boîte. Faites donc confiance aux entreprises, comme l’opinion publique auprès de laquelle elles sont beaucoup moins discréditées que la classe politique. Je comprends fort bien votre volonté de nous réconforter et de nous vanter, c’est de bonne guerre, comme les mesures prises - le crédit d’impôt (CICE) entre autres - qui suscite au mieux une attente, au pire une incompréhension. N’oublions pas que ce montage est un palliatif pour éviter de baisser le coût du travail. Or nous avons besoin de simplification et nous attendons le choc promis en la matière, le crédit d’impôt dans son concept est tout le contraire de la simplicité… Mais nous lui conservons le bénéfice du doute car nous voulons nous aussi être optimistes. Nous souhaitons que vos décisions soient les bonnes, car si ce n’est pas le cas, c’est nous qui ferons faillite, et la France avec nous.  
Vous avez lancé les « Assises de l’Entrepreneuriat », « les Rencontres Quai d’Orsay/Entreprises » avec Laurent Fabius ; commandé des rapports partout et à tous, en double, en triple, classés aussi vite qu’ils arrivent. Qui parle encore du rapport Gallois et de sa stratégie ? Qu’en garde-t-on concrètement : le CICE qui n’a franchement pas grand-chose à voir avec ce qui avait été demandé... Vous vous réjouissez de « dématérialiser les procédures » et nous vous en sommes gré, mais c’est une goutte d’eau dans les méandres kafkaïens de nos embûches quotidiennes ; des administrations aux contrôles tatillons, des inspecteurs méfiants par principe et hostiles par idéologie. Quel contrepouvoir à un inspecteur du travail qui décide d’appliquer un Code du travail à la lettre ?
La Gauche amie des entrepreneurs ? Nous constatons plutôt que si vous avez toujours le mot « emploi » à la bouche vous écoutez bien peu ceux qui les créent.
Nous manquons cruellement de considération et de reconnaissance, or c’est un moteur pour nous contrairement à ce que vous pensez, encore plus que l’argent que nous gagnons !
« Entreprendre » c’est ce que vous faites tous les jours ? Un faux sens à nos yeux ; recruter pour vous c’est créer des emplois publics… La Gauche ne fait pas la pédagogie de l’esprit d’entreprise, elle ignore ce que c’est. Vous détournez bien involontairement notre jeunesse de l’entrepreneuriat.  L’enfer est pavé de bonnes intentions : il est désastreux de répéter aux jeunes qu’il faut les assister, qu’ils ont besoin de l’aide de l’Etat, qu’ils doivent être inscrits dès 18 ans au RSA que leur vie professionnelle sera limitée à 35h…
Vous voulez, et les femmes vous en remercient, imposer l’égalité Homme & Femme dans les entreprises, c’est d‘ailleurs la loi et c’est la justification de votre ministère, mais votre expression : « je vais entreprendre pour l’égalité » n’est pas la bonne formule : vous allez simplement vous battre, comme nous toutes d’ailleurs.
Vous avez beaucoup de qualités, Madame la Ministre, mais non vous n’êtes pas une entrepreneure et d’ailleurs nous n’attendons pas cela de vous. Ce que nous demandons au pouvoir en place, c’est de créer et de respecter les conditions de la liberté d’entreprendre. Nous avons été par exemple très choqués il y a quelques jours de voir votre majorité voter l’article 1 du projet de loi prévoyant la généralisation de la complémentaire santé en bafouant l’Autorité de la Concurrence qui avait donné un avis contraire. (On enlève ainsi aux chefs d’entreprise la liberté de choisir leur mutuelle, en privilégiant la sélection de quelques grands groupes par des branches).
Tout cela pour dire que vous avez encore un grand chemin à parcourir pour donner confiance aux créateurs de richesse, aux artisans, aux professions libérales, à tous ceux qui eux, prennent de vrais risques.
C’est bien naïf de croire qu’un Ministre, si talentueux soit-il, est un entrepreneur. Aussi, Madame la Ministre, les entrepreneurs du Mouvement ETHIC (Entreprises de Taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et moi-même sommes à votre disposition, avec bonne volonté, pour tout ce qui pourra faire avancer la cause de l’entreprise et susciter des vocations.

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