TOUT EST DIT

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samedi 13 avril 2013

Les sous-dieux ont soif

Les sous-dieux ont soif


La France est en passe de devenir un sujet d'angoisse pour l'Europe, alors que, sur ce plan, la concurrence est rude : elle subit désormais deux crises, économique et politique, en même temps. La double peine.
Comme en 1793, quand on guillotinait à la chaîne, les "tricoteuses" ont réservé leurs chaises pour le spectacle qui va commencer. On ne connaît pas la fin, mais rien ne permet de penser que, le moment venu, il sera plaisant.
C'est à croire qu'une moitié de la France est prête à envoyer l'autre moitié à l'échafaud pour purifier la République. Les réponses aux questions que pose ce présent lugubre, pour ne pas dire funéraire, se trouvent, pour une part, dans notre passé.
Pour bien comprendre ce que nous vivons aujourd'hui, il faut relire Tocqueville, notamment L'Ancien Régime et la Révolution, où le grand penseur libéral raconte comment l'État monarchique perdit la confiance de ses sujets quand, criblé de dettes, il cessa de tenir parole comme notre République s'apprête à le faire, entre autres, en désindexant les retraites.
La situation n'est certes pas encore révolutionnaire : gardons-nous des grands mots. Mais, après le scandale des comptes bancaires suisses, il y a dans le pays un mélange de révulsion et de sidération qui n'augure rien de bon. C'est toute la classe politique qui, injustement, semble discréditée.
On dira que c'est bien fait pour la gauche, qui, jouant avec aplomb les vierges pures, s'était spécialisée dans les leçons de morale contre la droite. L'affaire Cahuzac l'a ridiculisée et, en politique, il arrive parfois que le ridicule tue.
Quand la gauche prétend que l'arbre Cahuzac ne peut cacher la forêt des saints laïques qui nous gouvernent, les Français ont tendance à ricaner en se demandant si la Vespa du candidat Hollande ne dissimulait pas les Ferrari de certains de ses amis.
Nous sommes entrés dans l'ère du soupçon et de la violence verbale, celle qu'incarnait si bien Léon Daudet, dont les livres, dans les années 20 ou 30, suintaient tant la haine, particulièrement contre "les termites parlementaires", du "souteneur" Aristide Briand à "Mamzelle" Léon Blum, à la tête de "belette foireuse".
C'est tous les jours lynchage. Que celui-ci soit mérité ou pas n'est pas le problème. Que demande le peuple ? Des têtes, encore des têtes, toujours des têtes. Écoutez la voix qui sourd à tous les étages : elle réclame vengeance. Les sous-dieux ont soif. Comme si nous étions en train de revivre les mauvaises heures de notre histoire, celles où régnait ce que Spinoza appelait les passions tristes (la haine, la honte, le désespoir, l'appréhension, etc.).
Tous les ingrédients d'une crise de régime sont là : l'impuissance des politiques, l'impudence des uns, la démagogie des autres, sur fond de malheur social et d'aigreur nationale. Qu'on appelle ça une crise de régime ou pas, il reste qu'il flotte quelque chose d'explosif dans l'air. Pour preuve, ces cris qui s'élèvent pour demander l'ouverture de la chasse aux "salopards", dont le Parti de gauche feint d'avoir les noms et les adresses.
Sans doute le style de M. Hollande est-il parfaitement adapté à la Scandinavie. Il n'est apparemment pas en phase avec cette France macho, monarchiste et régicide, dont la colère monte crescendo. S'il veut avoir une chance de reprendre la main, il lui faut, perdu pour perdu, engager au plus vite les réformes dont nous avons besoin. En finir avec la pusillanimité. Rompre pour de bon avec la gauche de la gauche. Préparer l'union nationale autour de tous ceux qui veulent vraiment redresser le pays. Donner ainsi un projet et des perspectives d'avenir aux Français.
L'obligation pour tous les politiciens de publier leur patrimoine ne suffira pas à rendre l'atmosphère plus respirable. Certes, il n'y a pas lieu de s'opposer à cette mesure et il est comique de voir certains de nos caciques se tortiller sur leurs chaises en bredouillant des excuses pour gagner du temps avant de dévoiler leur intimité patrimoniale, comme cela se fait pourtant dans la plupart des pays démocratiques.
Mais ce n'est pas la moralisation de la vie politique qui donnera des emplois aux Français, relancera la croissance économique et remettra sur pied notre industrie vacillante. Nous attendons maintenant un sursaut, sous les rayons du crépuscule, mot dont il ne faut pas avoir peur, car, comme chacun sait, il a deux sens : 1. Lueur qui précède le lever du soleil ; 2. Lumière incertaine qui succède immédiatement au coucher du soleil (Littré).
Il est temps de faire mentir Tocqueville, qui jugeait "difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l'idée de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire ; et l'on ne fera pas croire qu'un gouvernement libéral, énergique et sage puisse jamais sortir des suffrages d'un peuple de serviteurs".
Il est temps aussi de le faire mentir quand il décrivait le peuple français comme l'un des plus civilisés de la Terre, resté cependant "plus près de l'état sauvage qu'aucun d'entre eux, car le propre des sauvages est de se décider pour l'impression soudaine du moment, sans mémoire du passé et sans idées de l'avenir".

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