TOUT EST DIT

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mardi 30 octobre 2012

La déconstruction européenne

La société européenne se délite, que ce soit entre des communautés religieuses, envers les immigrés, ou contre le pouvoir du gouvernement.
L'image de l'islam se dégrade en France, décrétait il y a quelques jours Le Figaro, sondage à l'appui :

  • 43% des sondés considèrent l'islam comme une menace ;
  • 60% pensent que cette religion a trop d'importance ;
  • 18% sont favorables à la construction de mosquées (contre 33% en 1989) ;
  • 63% sont opposés au voile dans la rue (31% en 1989) ;
  • 89% sont opposés au voile à l'école.
Autre média, autre sujet. Les élections montrent l'accélération d'un mouvement autonomiste : "Des Flandres à l’Écosse, les mouvements séparatistes gagnent du terrain, sur fond de crise économique" explique le présentateur de la RTS.
Changeons encore d'horizon. En Grèce, les attaques "racistes" contre les immigrés ont atteint un niveau alarmant, selon le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR):
Les migrants en provenance d'Afrique ou d'Asie qui essaient d'entrer dans l'Union européenne par la Grèce font face à une hostilité croissante dans un pays victime d'une crise économique sans précédent depuis soixante ans. Le HCR fait état de 87 attaques racistes répertoriées par les groupes de défense des droits de l'homme entre janvier et septembre 2012 et qualifie ce chiffre d'"exceptionnellement alarmant". Les véritables chiffres sont sans doute bien plus élevés dans la mesure où les victimes ont souvent trop peur pour porter plainte, précise le HCR.
Quel rapport entre l'image de l'islam en France, des élections en Espagne et en Belgique, un accord politique dans ce qui s'appelle encore le Royaume-Uni, ou des violences en Grèce ? A priori, aucun.
Pourtant, toutes relèvent du même événement : la désagrégation de l'Union Européenne.
Elle est de plus en plus apparente, de plus en plus marquée, et de plus en plus rapide.
La société européenne se délite, que ce soit entre des communautés religieuses, envers les immigrés, ou contre le pouvoir du gouvernement. La solidarité et le respect des individus les uns pour les autres se désagrège. Le repli se généralise dans toutes les directions. Cela vaut pour toutes les mouvances politiques : les indépendantistes flamands sont classés à droite, ceux de Catalogne ou du Pays basque sont classés à gauche.
(Amusant, au passage, de voir les gauchistes espagnols radicaux de l'EAJ-PNV réclamer la fin des mesures de rigueur "venues de Madrid". Visiblement, la solidarité, c'est quand il y a de l'argent à prendre, pas quand il faut régler l'ardoise!)
Sur ce phénomène continental, les interprétations divergent : certains parleront de "prise de conscience nationale", de la volonté de "retrouver une véritable souveraineté" ; d'autres regretteront la "montée des extrêmes", les "troubles du vivre-ensemble" et la "banalisation de la stigmatisation". Toutes ces analyses pointent néanmoins le même facteur commun : la crise économique.
Et bien entendu, personne n'a de solution - parce qu'il n'y en a pas.
L'Europe est au confluent de flux migratoires, de tensions religieuses, de disparités économiques, de visions antagonistes du droit et du rôle de l’État. C'est une grande famille, mais une famille largement artificielle, recomposée, construite ex-nihilo.
Lorsque tout va bien, les tensions et les divergences font partie du quotidien, des difficultés à aplanir dans la marche vers un avenir meilleur. Nous ne sommes plus en temps normal. Comme dans la vie réelle où les difficultés financières peuvent dévaster un couple, la crise économique dans laquelle se débat l'Europe politique est un facteur aggravant, quel que soit le domaine concerné. Résultat ? Le continent tangue et craque de partout. La protestation menace de tout emporter et ne montre pas le moindre signe de faiblesse.
Le modèle de solidarité européenne a vécu, quoi qu'il ait jamais signifié pour la population de chaque pays membre. Alors que les caisses sont vides, le concept même se délite. L'immigré n'est plus une opportunité, une richesse humaine ou une célébration de la diversité, rien qu'un profiteur. Le musulman n'est plus qu'un conquérant. Le pouvoir central se réduit à une marionnette aux mains d'"intérêts financiers apatrides". Les institutions internationales n'apparaissent plus que comme donneurs d'ordre sans âme. Chaque Européen n'a confiance que dans son voisinage immédiat, et si cela doit signifier au passage le morcellement de pays épuisés, qu'il en soit ainsi.
Dans sa démonstration impitoyable, L'Europe, une nouvelle URSS ?, Vladimir Boukovsky rappelait que l'URSS était sensée amener la paix aux peuples, mais qu'au moment de son effondrement c'était le foyer de plus de guerres civiles et de guérillas que n'importe quel autre endroit de la planète. Appliquée à l'Europe en 2005, l'idée pouvait faire sourire ; aujourd'hui, il semble bien pourtant que nous en prenions le chemin.

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