Les jours passent et rien ne change. Les décennies aussi. Si Jean-Marc Ayrault croit vraiment ce qu'il dit, il vaut mieux qu'il parte tout de suite, comme les éléphants de Bali, avant l'arrivée du tsunami. Le Premier ministre a néanmoins une excuse : il ne veut pas accabler davantage les Français, qui sont entrés dans une nouvelle étape de leur grande dépression nerveuse commencée il y a plusieurs années déjà.
Il veut rassurer. Dormez bien, les petits. Mais si le président et lui n'entament pas au plus vite le travail de pédagogie qui s'impose auprès des Français, leur cause est entendue : elle est perdue d'avance. Le jour venu - on peut prendre tous les paris -, le pays n'acceptera pas les efforts qui lui seront demandés par un nouveau chef de gouvernement, tamponné conforme par le FMI.
En ce début de règne, même s'il n'y a plus d'argent pour la payer, la corbeille de mariage se remplit tous les jours. Il suffit de demander, vous aurez ce que vous voulez. Les Français sont retombés au stade de la becquée, comme au temps où l'Etat distribuait ses largesses à tout-va, le comble étant la baisse du prix de l'essence annoncée la semaine dernière et financée essentiellement par l'argent public. Pourquoi ne pas subventionner, dans la foulée, l'eau minérale ou le blanc de poulet, en attendant un retour au bon vieux contrôle des prix d'avant Giscard ?
L'assistanat, maladie infantile du socialisme et de la social-démocratie, est aujourd'hui leur maladie sénile. Il part pourtant d'un bon sentiment qui fait l'unanimité, à quelques lamentables exceptions près : il s'agit d'aider tous ceux qui sont dans le besoin, les humiliés, les offensés, les misérables. N'en déplaise aux vestales de l'ultralibéralisme, la solidarité est la raison d'être de toute politique digne de ce nom.
Tout se complique quand on passe aux moyens de subvenir aux besoins des nécessiteux. Faut-il les assister les yeux fermés et à perpétuité ou bien les aider à s'aider eux-mêmes ? Depuis des années, les politiques publiques françaises, de gauche ou de droite, s'enferrent dans la première méthode, avec les résultats que l'on sait : si l'on excepte quelques bonnes réformes comme le RSA, notre système social s'est transformé peu à peu, sur le mode grec, en tonneau des Danaïdes.
C'est la dictature de l'assistanat. Avant que François Hollande, bien inspiré, la jette aux oubliettes, le PS avait même inscrit dans son programme une hallucinante allocation jeunes qui aurait permis à la jeunesse de France de toucher un revenu fixe pour finir de plomber les finances publiques. On peut déjà parier que la gauche du parti la ressortira, le jour venu, avant de nous inventer, par la suite, une allocation bébés : tant qu'à faire, autant commencer l'assistance dès le berceau. Sans oublier, par la suite, une allocation pour les animaux de compagnie, les cochons d'Inde ou une autre espèce à trouver.
Accablée sous le poids de son endettement et en passe de devenir le premier emprunteur de la zone euro, la France est entrée dans une nouvelle phase. Son rêve : bénéficier de l'assistanat d'un autre pays pour continuer à financer ses folies sans avoir à se remettre en question. C'est tout le sens du combat de notre pays pour la mutualisation des dettes européennes : faire porter par l'Allemagne, bon élève du Vieux Continent, la charge de notre philanthropie d'Etat, sous prétexte que nous consommons ses produits et contribuons à sa croissance.
L'Allemagne n'entend pas récupérernos dettes sans engagement de notre part sur nos politiques budgétaires à venir. Elle a raison. Sinon, une fois vidées les caisses germaniques, l'Europe droguée au laxisme serait condamnée à tendre la sébile en direction de la Chine ou de Dieu sait quelle puissance bienfaitrice. Soit dit en passant, il est comique d'observer que les tenants de cette ligne ("L'Allemagne paiera !") sont surtout des souverainistes. Il ne leur est pas venu à l'esprit qu'elle transformerait la France en sous-nation assistée, en voie de colonisation économique. C'est dire si leur prétendu amour de la patrie passe après leur thyroïdal antigermanisme.
Il y aurait de quoi déprimer si des voix courageuses ne s'élevaient parfois pour évoquer le "redressement", mot cher à François Hollande, qui passe d'abord par la baisse du coût du travail, l'urgence des urgences si l'on veut exporter, relancer, se désendetter et embaucher. C'est un leader syndical, et de gauche par-dessus le marché, qui a osé le dire : François Chérèque (1). Merci à lui.
1. Le Journal du Dimanche, 2 septembre 2012.
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