samedi 25 août 2012
Sécurité, prison, réinsertion
Notre pays vient de battre un nouveau et lamentable record : 67 000
détenus en prison pour 57 000 places en juillet ! La situation devient
impossible à gérer, non seulement au plan humanitaire mais aussi au
regard de la loi. De plus en plus souvent, l'État est l'objet de
plaintes de la part des détenus à propos de leurs conditions
d'enfermement : hygiène, promiscuité... L'État est de plus en plus
souvent condamné. Actuellement, l'inacceptable prison de Nouméa défraie
cette triste chronique.
Mais, inacceptable est aussi la condition des personnels
pénitentiaires condamnés à un exercice professionnel impossible, c'est
l'efficacité de la prison qui est en cause. « La prison est un lieu de ravage, y règne la loi de la jungle (vol, menace...). Les détenus en sortent la haine au coeur, avec le désir de se venger de la société. Ce n'est pas normal », a déclaré récemment le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue.
De ses rapports, il ressort que les détenus, en France, sont deux
fois plus nombreux qu'il y a quarante ans, 35 000 à l'époque, alors que
la délinquance n'a pas augmenté dans une telle proportion. On a accru
les peines. On est de plus en plus sévère. On pratique de plus en plus
les petites peines, les trois mois et les peines plancher qui ont
souvent pour effet de rompre, pour des délits légers, l'insertion
sociale et professionnelle.
M. Delarue précise : « 80 000 personnes entrent, chaque
année, en prison ; autant en sortent. Qu'est-ce qu'on en fait ? Il faut
une prison où les gens soient traités, respectés comme des êtres
humains. Les délinquants doivent être punis, mais ils doivent être
réinsérés. C'est aussi le rôle de la prison que de contribuer à cette
réinsertion. »
Améliorer la sécurité
Et le Contrôleur des prisons de s'interroger : « Qu'est-ce
que produit la prison ? Des malfaiteurs ou des bienfaiteurs ? Que
faire ? Construire de nouvelles prisons à un coût faramineux ou trouver
des aménagements de peines pour les détenus qui ont moins de six mois de
détention à accomplir ? »
C'est à cette question que s'est attelée Mme Taubira, nouvelle garde
des Sceaux, mais elle est mal comprise par une société toujours plus
désireuse d'une sécurité, évidemment souhaitable.
Mme Taubira estime que la politique pénale actuelle accroît la
récidive. Dans un manifeste, des magistrats et des chercheurs se
montrent sévères : « Ce système pénal est un échec, la promesse d'une faillite, c'est une course à l'abîme. » (1)
La garde des Sceaux en est consciente. Très certainement, elle a fait
sienne la recommandation du Conseil de l'Europe de janvier 2006 :
« Ne placer en détention les délinquants (sauf les criminels) qu'en
dernier recours et leur infliger une peine dans la communauté,
c'est-à-dire dans la société et non pas en prison. Le condamné aura des
devoirs et des obligations et un suivi intense pour éviter la
récidive. » (1)
On irait ainsi vers davantage de peines de substitution et,
probablement, vers cette peine de probation, sorte de suivi sur mesure,
qui éviterait la désocialisation. Les prisons non surpeuplées pourraient
alors mieux favoriser la réinsertion sociale des détenus, ce qui
améliorera la sécurité de tous.
(1) Le Monde, le 21 août 2012.
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