samedi 25 août 2012
Le sourire de Breivik
Comment condamner le Mal ? En infligeant une peine de 21 ans de
prison à Anders Breivik, la Norvège l’a déclaré responsable de ses
actes. Le verdict a satisfait les parents des 77 victimes de
l’extrémiste. Breivik lui-même a souri à l’énoncé de sa peine. Il avait
laissé entendre que le pire des châtiments qui pouvait lui être infligé
serait de l’enfermer dans un asile.
Aux yeux de la loi, Breivik
est donc « normal ». Une idée qui révulse, quand on songe que cet
extrémiste a abattu de sang-froid 77 personnes au nom de théories
inspirées du nazisme. La question de la « normalité » des responsables
de la solution finale en Europe a été souvent posée, notamment par la
philosophe Hannah Arendt, qui avait suivi le procès Eichmann.
Dès le procès de Nuremberg, la question de l’état psychique des dirigeants du III e
Reich avait été abordée, tant l’énormité de leurs crimes dépassait
l’entendement. Pourtant, ils furent condamnés, la plupart à mort. Cette
condamnation n’était pas destinée à banaliser leurs actes. Les juges de
Nuremberg, comme ceux d’Oslo, ont jugé qu’il fallait infliger la plus
lourde peine prévue par la loi commune à des criminels qui rêvaient
d’être hors du commun, mais qui ne restent que des assassins.
Une
telle décision implique de croire en une valeur suprême : la vie d’un
être humain vaut toutes les autres vies. Tuer une femme, un enfant ou un
homme à cause de sa race, de sa religion ou pour une quelconque
différence est un acte impardonnable. Le nombre des victimes ajoute
certes à l’horreur. Mais comment condamner Breivik 77 fois à la prison à
vie, ou Goering à être pendu six millions de fois ?
La Norvège,
pays paisible mais touché par la résurgence extrémiste, a tenu à faire
de Breivik un exemple. Lui, qui se veut exceptionnel, n’est après tout
qu’un homme, parmi des milliards d’autres et, à ce titre, ne mérite pas
une condamnation hors normes. À y réfléchir, c’est peut-être la pire des
punitions qu’on pouvait lui infliger : le réduire à un statut banal.
Alors, qu’importe son sourire ou son salut de nazillon. Breivik a perdu.
Il n’est plus rien qu’un condamné.
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