TOUT EST DIT

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mardi 8 mai 2012

Il faut se réjouir de la victoire de François Hollande

Est-il possible, pour un libéral, de se réjouir de la victoire de François Hollande ? Peut-être. Est-il possible de se réjouir, par ailleurs, de la défaite de Nicolas Sarkozy ? Sans doute.
On ne peut pas dire que ces élections présidentielles aient été particulièrement palpitantes. Le résultat était su et connu de tous des semaines avant le premier tour de l’élection, même si des incrédules, dont je faisais partie, doutaient très fortement d’un résultat plaçant le candidat sortant à une bonne dizaine de points de son rival socialiste de gauche. Et, en effet, c’est un peu plus d’un million de voix qui séparent, parmi les suffrages exprimés pour l’un ou l’autre des candidats, Hollande de Sarkozy. Il s’agit de la deuxième élection la plus serrée de la Ve République. Je dis bien parmi les suffrages exprimés en faveur de l’un ou de l’autre, car les blancs et nuls sont aussi des suffrages, qui expriment incontestablement un choix (ou un faisceau de choix, plus exactement). Le malheur veut, simplement, que ce choix n’est tout simplement pas pris en considération par le code électoral. Il en ressort que les quelques deux millions d’électeurs qui se sont rendus aux urnes pour voter nul ou blanc ne sont pas, et ne seront pas, entendus. Ils représentent pourtant deux fois l’écart qui sépare les deux candidats en lice au second tour. Un jour ils représenteront quatre ou cinq millions d’électeurs ; j’espère qu’on ne sera pas assez fous pour ne pas réaliser ce que cela peut signifier.
Le candidat socialiste de gauche l’a donc emporté. Fort bien. Je ne peux que me réjouir de voir un président faible, consensuel, onctueux comme une crème à 0%, rond, succéder à un bateleur bonapartiste pour qui roulement d’épaules signifie conviction, autoritarisme signifie action. François Hollande n’a aucune expérience gouvernementale. Presque pas non plus, d’ailleurs, d’expérience de gestion publique locale. Il est, par nature et par tempérament, quelqu’un porté sur le rassemblement et le consensus, respectueux des droits du parlement, des corps intermédiaires et de la liberté de la presse. Je le vois donc faire plutôt profil bas que monarque inaccessible. Je doute qu’il mette à bas les libertés individuelles, au nom d’une quête folle des voix du FN, comme son prédécesseur l’a fait durant tout son mandat. Je crois même que sur la plupart des sujets de société nous gagnerons au change. Et que nos libertés, loin de régresser, progresseront peut-être un peu.
Bien sûr son programme est irréalisable, il n’y croit d’ailleurs pas lui-même. La dette publique, le déficit budgétaire, la situation des comptes publics, plus largement, l’amènera rapidement à redescendre sur terre. Et à remiser à la prochaine élection ses promesses électorales. C’est naturellement de bonne guerre et je ne connais pas de politicien qui ne s’y livre avec avidité et régularité.
J’observe toutefois que François Hollande est somme toute l’un des rares candidats, sinon le seul, à avoir replacé la croissance au cœur de son programme et de son argumentation. Il a d’ailleurs rappelé hier soir, lors de son discours de Tulle, l’importance qu’il accorde à cette notion de croissance et à celle, voisine, de progrès. C’est un déclic idéologique dont il ne faudrait pas sous-estimer l’importance, comme Pierre-Antoine Delhommais le rappelle fort justement dans Le Point de cette semaine (« La pensée magique de la croissance », Le Point n°2068, 3 mai 2012). Bien sûr, la France hollandienne ne met pas derrière ce mot de « croissance » la même signification que l’Allemagne merkelienne ou la commission draghienne. Les conceptions sont même franchement opposées, l’un vantant la relance par la demande, le soutien à la consommation, quand les autres entendent modération salariale, dérégulation, politique de l’offre, développement de la concurrence. Mais cet enterrement officiel des lunes débiles prônant la décroissance et d’autres délires d’écologistes extrémistes mérite d’être applaudi à sa juste valeur.
À droite, Sarkozy a été battu. Je soutiens que c’est une excellente chose. Pas seulement parce qu’il a conduit une politique calamiteuse sur le plan économique, contribuant à transformer une crise bancaire en une crise de la dette publique majeure, dont les effets, déjà plus que sensibles ici ou là (Grèce, Espagne, Italie) seront avec quasi certitude dévastateurs dans les années qui viennent. Mais aussi parce que les libertés, publiques comme individuelles, ont fortement reculé pendant toute la durée de son mandat, auquel on peut d’ailleurs ajouter celle de son maroquin de la place Beauvau, précédemment. Les illustrations sont trop nombreuses et connues pour que je fasse l’offense de vous les rappeler ici. Et enfin parce qu’il a franchi le rubicon qui sépare la droite parlementaire et républicaine de l’extrême droite totalitaire. Imaginer que les quelques libéraux perdus à droite, à peine plus nombreux que les libéraux perdus ailleurs, aient un quelconque atome crochu avec les descendants du vichysme totalitaire m’est impossible. La tradition fasciste n’a rien avec avec le libéralisme, c’est une évidence, mais elle n’a rien à voir avec la droite non plus. Les fascistes, du reste, ne souhaitent que torpiller et détruire la droite, pas du tout s’allier avec elle.
J’espère que la droite se reconstruira donc sur des bases nouvelles, républicaines, étatistes, centralisées. Celles qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Qu’elle retourne à ses origines autoritaro-républicaines, gaullistes et étatistes. Qu’elle assume donc sa vraie nature socialiste de droite. Dominique de Villepin, Nicolas Dupont-Aignant et d’autres pourront en être les fers de lance. Que ces gens-là refondent une droite expurgée de tout libéralisme. Et qu’ils laissent les libéraux naviguer vers d’autres rivages, qui, ma foi, pourraient bien être du bord opposé, lequel aurait tout à y gagner s’il ne veut pas plonger dans l’ornière qui le guette. De Jean-Louis Borloo à Manuel Valls, il est temps de construire quelque chose de nouveau, qui ne sera pas l’énième épisode d’une série sans fin.

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